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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Bosseboeuf, Louis-Auguste: Les sculptures de Solesmes et l'école de Tours, I-VII
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0245

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LES SCULPTURES DE SOLESMES ET L’ECOLE DE TOURS.

2l5

bien le groupe de la Mise au tombeau? Nous ne saurions
l’établir; ce qu’il y a de certain, c’est que l’identité absolue
dans le modelé des têtes et la décoration des vêtements
prouve bien que le travail est de la même époque. De fait,
ici et là, l’artiste semble avoir reproduit les traits de Jean
d’Armagnac. Au milieu des têtes plus ou moins idéalisées
du groupe, il y a une figure bien personnelle, qui frappe
par l’énergie vivante des traits et dont on dit du premier
coup : voilà un portrait.

On peut admettre, si l’on veut, que l’artiste a repré-
senté Nicodème dans le personnage du Juif qui se tient à
la droite de la Vierge, un vase de parfums à la main, et qu’il
a confié son rôle d’ensevelisseur au contemporain qui
tient l’extrémité gauche du suaire ; ou bien on peut sou-
tenir que c’est à Nicodème lui-même qu’il a donné les
traits personnels et le vêtement fin du xve siècle du dona-
teur, — ce qui est indifférent; — toujours est-il que
ce personnage à casaque,
ceinture et robe richement
brodées, semble non pas,
comme on l’a prétendu,

« l’image du roi René d’An-
jou », mort en 1480, mais de
Jean d’Armagnac lui-même
qui, en se faisant représenter,
a suivi la coutume des siècles
antérieurs. Un détail vient
confirmer notre manière de
voir : le personnage porte au
cou, comme insigne de che-
valerie, un collier formé
d’anneaux entrelacés et
noueux qui tient au collet
brodé; du collier pendaient
sur la poitrine trois objets,
deux cœurs rehaussés de
perles, malheureusement mu-
tilés, et, au centre, une pièce
dont il ne reste rien.

Le prieur, qui dirigeait
alors le couvent et dont le
souvenir est associé à l’érec-
tion du monument, est
D. Cheminart. Au-dessus de
l’arcade surbaissée et au-des-
sous de l'écu de France, deux
lions soutiennent un blason,
à propos duquel D. Guépin a
écrit : « L’écusson supporté

par des lions offre les armoiries de Guillaume Cheminart »,
prieur de Solesmes, en i486. D’ailleurs, à la statue de
saint Pierre qui, déjà, a été pour nous la source de lumi-
neuses indications, nous demanderons le complément de
ces réflexions. Sur l’agrafe de la chape est gravé le même
blason du prieur de Solesmes; enfin, faut-il le dire? nous
inclinerions à voir un second portrait de Jean d’Armagnac
dans un des personnages de l’orfroi de la chape, à la partie
inférieure du côté droit ; on retrouve, en effet, dans ce
gentilhomme vêtu d’une double tunique, la tête coiffée
d’une sorte de toque et tenant à la main un bâton avec
double boule aux extrémités, les traits énergiques du
Jean d’Armagnac de la Mise au tombeau.

Sur le devant de cette dernière scène, — dont elle fait
partie tout en étant séparée, — en dehors de l’arcade, est
assise une femme à laquelle nous devons nous arrêter un
instant. De tout temps, elle a excité l’admiration des
artistes. En 169g, un des membres d’une caravane d’excur-
sionnistes partis du collège de la Flèche écrivait :

h- (L’v</1 uul) LlJ

Mise au
par Michel Colombe. —

« Solesmes, petit bourg où il y a un prieuré de bénédictins
réformés, chez qui l’on voit de très belles statues et sur-
tout une Madeleine, qui est un ouvrage achevé ; le fameux
cardinal de Richelieu a prétendu autrefois d’enlever cette
statue pour la faire porter dans son château du Poitou1. »
Elle a été reproduite à plusieurs reprises, entre autres
dans un Calvaire de l’église Notre-Dame des Ardilliers, à
Saumur. Mais aussi il est difficile de rien imaginer de
plus saisissant que cette statue d’une simplicité sublime.
La Madeleine est assise sur un socle taillé en forme de
rocher, les bras appuyés sur les genoux et les mains réu-
nies devant la figure, la tête recouverte d’un simple voile
légèrement plissé ; une expression intraduisible, faite d’an-
goisse et d’espérance, de tristesse contenue et de prière
aimante, répand une exquise pureté sur les traits dont on
ne sait qu’admirer le plus, de la simplicité surhumaine ou
de la douleur divinement transfigurée : véritable chef-

d’œuvre de l’inspiration chré-
tienne, rendue par un ciseau
qui déjà sait faire vivre la
pierre aussi bien que le mar-
bre, sans avoir encore aucune
des fantaisies que lui appor-
tera l’avenir.

Cette Madeleine appar-
tient-elle originairement au
groupe de la Mise au tom-
beau? a-t-elle été exécutée à
la même époque, c’est-à-dire
au plus tard en 1496, et par
les mêmes artistes ? Pas même
l’ombre d’un doute ne s’est
glissée, à cet égard, dans l’es-
prit de tous ceux qui ont écrit
sur ce sujet2, sans remarquer
la différence sensible dont un
léger examen suffira à nous
convaincre. Dans le groupe
lui-même, les poses ont une
certaine raideur un peu sèche,
les traits sont un peu épaisr
et les draperies toutes enri-
chies de broderies à profu-
sion, comme par la main d’un
ornemaniste qui avait sous
les yeux les riches damas de
velours et de soie que l’on
fabriquait alors à Tours ; les
femmes, en particulier, por-
tent une robe avec voile retombant sur la poitrine, qui est
bien de la fin du xve siècle. Du côté de la Madeleine, au
contraire, les draperies sont traitées avec légèreté et la
robe n’offre pas cette disposition, non plus que le voile ;
pas un seul ornement sur l’étoffe, si ce n’est une très
légère bordure à la manche, qui, à Ja différence des autres,
est fermée, et autour du col qui est attaché et, détail tou-
chant, rehaussé d’une série de larmes ; enfin, nous l’avons
dit, une exquise finesse brille dans les traits dont le recueil-
lement est d’une incomparable éloquence. Si l’on pouvait
douter encore, on n’aurait qu’à considérer le vase placé
devant elle et dont la forme et les dessins sont d’une
époque postérieure. Notre avis est donc que, conformé-

1. Biblioth. de Tours, fonds Taschereau, ms. 780 : Voyage de
Richelieu et de Bretagne.

2. D. Guéranger, Essai historique sur l’abbaye de Solesmes. —
D. Guépin, Description des églises abbatiales de Solesmes, pages i3-
14. — Cartier, les Sculptures de Solesmes. — L. Palustre,/æ Renais-
sance en France, i3“ livraison. —• Les Sculptures de Solesmes dans
le Forum artistique.

TOMBEAU,

Dessin de L. Le Riverend.
 
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