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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Audebrand, Philibert: Pages d'histoire contemporaine: les salonniers depuis cent ans
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0272

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L’ART.

aurons plus d’une fois à nous égarer dans des digressions qu’exige forcément l’allure d'une Étude
qui touche à tout, aussi bien à la fantaisie qu’à la réalité, autant à la biographie qu'au racontar.
Ces réserves étant faites, il ne nous reste plus qu’à passer nos bonshommes en revue, et c’est
ce que nous allons faire.

Y avait-il des Salonniers en 1789? — Oui et non. — Puisqu'il y avait des peintres tels que
Louis David et La Tour, puisque Prud’hon allait venir et qu'il existait encore toute une légion de
ces incomparables graveurs en taille-douce qu’avait suscités l’ancien régime, évidemment il devait
y avoir et il y a eu des critiques d’art. Mais, en réalité, l’ombre de Denis Diderot planait
au-dessus de nos musées et c’était elle qui guidait un peu tout le monde, les amateurs, les artistes
et le public. Ah! ce fils du coutelier de Langres, quoiqu'il ait été souvent partial, et pour
Vanloo, et contre Greuze, qu’il avait cessé d’encourager, il n’est que juste de noter ici qu’il a
été l’inventeur et ensuite le maître du genre. Grimm l'a imité bien vite, et aussi Naigeon, celui
qu'on avait surnommé son singe, et dix autres et vingt autres. Le Mercure de France, la Revue
en vogue, s’était nécessairement emparé de ses procédés d’examen et, désormais, une règle était
admise en vertu de laquelle les journaux auraient à s’occuper autant des œuvres d’art que des
livres nouveaux. Très grande et très belle innovation, si l’on veut bien se rappeler qu’avant la
venue du spirituel auteur de Jacques le Fataliste il n’y avait guère que quelques esprits d'élite,
quelques délicats, pour détailler les mérites d’un tableau et le fini d’une statue. On ne saurait
donc trop s’arrêter à ce nom, désormais sacré, de Denis Diderot, qui, pour cette branche si
importante de la critique, a réellement l'importance d’un Révélateur. Il y a quelques années, un
sculpteur a reproduit ses traits pour les faire vénérer par les générations nouvelles. Je sais bien
que c’était surtout du fondateur de l’Encyclopédie qu’il s'agissait dans cette glorification, mais
rien n’empêche les Exégètes d’y voir aussi un hommage rendu au grand écrivain qui nous a
appris à rendre justice à la descendance d’Apelles et de Phidias.

Qu’on me laisse ici, sous forme de parenthèse, dire un mot d’un des disciples du grand
critique.

Quelques polygraphes : François Grille et Charles Monselet, entre autres, se sont appliqués à
nous faire connaître une figure étrange entre les plus bizarres de celles dont s’est paré l’ancien
régime ; c’est la physionomie de ce Beffroy de Reigny, si connu chez nos pères sous le pseudo-
nyme du Cousin Jacques. De 1785 à 1811, l’homme était un producteur inépuisable, ainsi que
l’ont été Sébastien Mercier et Rétif de la Bretonne, deux de ses contemporains. Dans l’espace
de ces vingt-six années, il a écrit des monceaux de brochures. Avant tout il a fait tomber de sa
plume vingt-quatre volumes de fascicules de dix pages, intitulés : les Lunes du Cousin Jacques.
De là vient surtout sa réputation. Ancien petit abbé, homme de fantaisie, journaliste, auteur
dramatique, chansonnier, orateur, il avait peut-être le timbre un peu fêlé, pour nous servir du
mot que Racine a mis dans les Plaideurs, mais, au bout du compte, ç’a été un homme d’esprit,
un écrivain de la race de Rabelais, et, par conséquent, l’un de ceux qui ont contribué à égayer
la France. Vu l’immense amas de ses œuvres qui, en étendue, dépasse cent cinquante volumes,
on conçoit aisément qu'il ait touché à tout. Une chose certaine, il s’est, lui aussi, occupé d’art.
Il a donc été Salonnier. Il ne l’a été qu'un jour, mais il l’a été un jour. Dans la liste de ses
innombrables opuscules, on trouve cette mention : « Le Cousin Jacques hors du Salon, folie
sans conséquence, à l’occasion des tableaux exposés au Louvre, en 1787. »

Le savant Quérard, le bénédictin à qui l’on doit la France Littéraire, signale une autre
plaquette sur le même sujet : Critique sur le Salon de peinture, par le Cousin Jacques. En
feuilletant ce second cahier, nous y trouvons une assez curieuse sortie sur les tendances de l'art
à la fin du règne de Louis XVI :

« Messieurs les peintres, un mot sur vos manies d’à présent, si vous le voulez bien. Après ça,
vous ne le voudriez pas que ce serait absolument la même chose. Mon mot, je le dirai tout de
même. Eh bien, nous y voilà. Sous l'influence de Greuze, vous n’étiez que mignards, burles-
quement poussés à l’idylle, mais à l’idylle avec de la dentelle et des rubans. A présent, vous
devenez trop égrillards. Vous peignez de telle sorte qu’on ne peut regarder vos toiles sans
 
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