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Audebrand, Philibert: Pages d'histoire contemporaine: les salonniers depuis cent ans
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0273
LES SALONNIERS DEPUIS CENT ANS.
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éprouver le désir, non pas d'aimer les femmes, mais de les chiffonner. Vous n'en faites plus que
des poupées lascives. Est-ce là ce qu’on vous demande? De la compagne de l'homme vous ne faites
plus qu’une Bacchante, quand vous la montrez à table, ou bien qu’une Jeanneton, lorsque vous
la faites voir dans les bois, sous les arbres. Messieurs les peintres, vous ne savez plus ce que
c'est que la pudeur, casta pudicitia ! »
Il parlait en saint personnage, ce Beffroy de Reigny, en gourmandant si bien Fragonard,
Boucher, Baudoin et les autres, mais, à en croire les biographes, le bon apôtre ne se mettait
guère en peine d’accorder sa vie avec ses belles paroles. Suivant ses biographes, il aura été un
Maurice-Quentin de La Tour.
Fac-similé d’une gravure de Schmidt, en 1772.
dévergondé de première force. Toute actrice qui jouait dans ses pièces devait voir en lui une
sorte de Sultan, jetant le mouchoir pour le faire ramasser par une favorite d'un jour. François
Grille assure qu'il n’a pas eu moins de trois cents maîtresses. Mais, on le voit, une telle prodi-
galité de tendresse ne l’empêchait pas de s’emporter contre la licence des peintres. Preuve que
la famille de ce bon M. Tartuffe a toujours eu des représentants dans la critique.
Cependant un souffle d’orage commençait à souffler sur la France et bientôt il devait
s’étendre sur l’Europe entière. L’art devait être le premier à s’en ressentir. Pouvait-on songer
encore aux loisirs de l’art en 1789? Il faut bien se décider à le dire : à dater du jour où la
Bastille a été prise par le peuple jusqu’à l’heure où a commencé l’apaisement des esprits, la
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éprouver le désir, non pas d'aimer les femmes, mais de les chiffonner. Vous n'en faites plus que
des poupées lascives. Est-ce là ce qu’on vous demande? De la compagne de l'homme vous ne faites
plus qu’une Bacchante, quand vous la montrez à table, ou bien qu’une Jeanneton, lorsque vous
la faites voir dans les bois, sous les arbres. Messieurs les peintres, vous ne savez plus ce que
c'est que la pudeur, casta pudicitia ! »
Il parlait en saint personnage, ce Beffroy de Reigny, en gourmandant si bien Fragonard,
Boucher, Baudoin et les autres, mais, à en croire les biographes, le bon apôtre ne se mettait
guère en peine d’accorder sa vie avec ses belles paroles. Suivant ses biographes, il aura été un
Maurice-Quentin de La Tour.
Fac-similé d’une gravure de Schmidt, en 1772.
dévergondé de première force. Toute actrice qui jouait dans ses pièces devait voir en lui une
sorte de Sultan, jetant le mouchoir pour le faire ramasser par une favorite d'un jour. François
Grille assure qu'il n’a pas eu moins de trois cents maîtresses. Mais, on le voit, une telle prodi-
galité de tendresse ne l’empêchait pas de s’emporter contre la licence des peintres. Preuve que
la famille de ce bon M. Tartuffe a toujours eu des représentants dans la critique.
Cependant un souffle d’orage commençait à souffler sur la France et bientôt il devait
s’étendre sur l’Europe entière. L’art devait être le premier à s’en ressentir. Pouvait-on songer
encore aux loisirs de l’art en 1789? Il faut bien se décider à le dire : à dater du jour où la
Bastille a été prise par le peuple jusqu’à l’heure où a commencé l’apaisement des esprits, la