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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Audebrand, Philibert: Pages d'histoire contemporaine: les salonniers depuis cent ans
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0275

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LES SALONNIERS DEPUIS CENT ANS.

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le débutant accepta de la remplacer temporairement et cet intérim devint le point de départ
d'une liaison qui devait finir par un mariage. Dans ses Mémoires pour servir à l’histoire de mon
temps, M. Guizot raconte la chose avec des détails qui lui donnent beaucoup de piquant. Quant
à la critique émise par celui qui, plus tard, devait être premier ministre d’un roi constitutionnel,
elle était correcte, mais froide. Un style châtié, mais gris, sans couleur, sans chaleur, sans éclat.
Seulement, au gré de l'apprenti Salonnier, il ne fallait pas qu’une toile d’artiste se bornât à
plaire aux yeux. Un tableau doit nourrir l’esprit par un enseignement moral et faire battre
noblement le cœur. Jeunes gens du jour, vous voyez que c’est là le vieux jeu. Les nouvelles
générations n’entendent plus de cette oreille-là.

Dans ces âges naïfs, éloignés du nôtre de quatre-vingts ans, il y a eu de grands artistes.
J’en ai nommé quelques-uns, il n’y a qu’un instant. Prud’hon est venu et Géricault ne tardera
pas à se montrer, mais comme rien n’est stable ici-bas, voilà 1 Empire qui tombe et qui tombe
deux fois de suite en un an; la Restauration commence et elle devient le signal d’une ère
nouvelle, celle du joli. « Gardez-vous du joli comme de la peste », avait dit un homme d’esprit
sur la fin du règne de Louis XV. En effet, la nature n'a pas de plus mortels ennemis que ceux
qui se donnent l’étrange mission de l’embellir. De 1815 à i8e3, la grande majorité de nos artistes

représenter ce qui est, mais
de le rendre agréable à
régime du joli et c’est en
Le costume, le théâtre,
le langage, il n’est rien qui
profondément ennuyeuse du
une phase semblable sur la
pendant que Cotillon I, Co-
llaient la France sous le
cessives, il y avait encore
joli, puisqu’on voyait briller
bert Boucher, les Coypel
des Bourbons, c’est-à-dire
qui avait commencé au
Waterloo, il y avait tou-
Pardieu, il y en aura éter-
nellement, espérons-le. Mais ce n’était plus que de la mièvrerie et de la mignardise et cependant
on sentait déjà sourdre comme les murmures avant-coureurs qui annonçaient une prochaine
renaissance. Il faut donc dire que l’art français s’est attardé près de dix ans dans une sorte
d’enfantillage. Mais qu’est-ce que c’est que dix ans dans l’histoire d’un peuple? De 1815 à 1823,
la critique d art est d’une pâleur sans pareille; on peut la comparer aux objets qu’elle a à passer
en revue. Ce n’est qu’au commencement du règne de Charles X qu’on peut constater un sursaut
de la pensée. Un peu de patience, encore quelques années d’attente, et vous assisterez à un
grand spectacle ; un mouvement qu’il faudra placer, un jour, dans l’histoire, sur la même ligne
que le xve et que le xvne siècle, ce s deux dates qui sont le légitime orgueil de l’humanité moderne.

Un jeune voyageur traversait à pied, en compagnie d’un Arabe, la province de Constantine.
A un certain moment, lorsqu'ils allaient mettre les pieds dans une vallée, ils entendirent un
bruit qui fît tourner la tête à l’Européen. « — Qu’est-ce que c’est que ça? demanda le touriste
à son guide : le rugissement du lion ou le roulement du tonnerre? — L’un et l’autre, répondit
son compagnon, mais, rassurez-vous, ce bruit part d’un endroit qui est encore fort éloigné de
nous. » La Révolution de Juillet s’annonçait déjà sans aucun doute, mais elle ne devait éclater
qu’à cinq ou six années de là. Ainsi la France avait encore un peu de temps pour sommeiller.
On ne s’emportait donc pas. On ne se passionnait point encore. Pas de grandes œuvres, si ce
n’est le Naufrage de la Méduse et quelques pages de jeunes gens qui cherchaient à faire du
neuf. En ce temps-là, les journalistes qui analysaient le Salon n’étaient que d’obscurs écrivains.

se proposent non pas de
de le raccommoder, mais
l’œil. Oui, on est sous le
toute chose, bien entendu,
l’architecture, la musique,
ne s’enroule dans la théorie
joli. On avait déjà traversé
fin du dernier siècle, mais
tillon II, Cotillon III me-
nom de trois favorites suc-
de belles échappées dans le
ensemble Watteau, Phili-
et Fragonard. Au retour
à la fin du grand drame
14 juillet 188g pour finir à
jours du talent chez nous.

Honoré Fragonard.
D’après l’eau-forte de Le Carpentier.
 
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