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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Gabillot, Cyrille: Le musée Guimet et les religions de l'Extrème-Orient
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0288

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256

L'ART.

sannyàsin. De là, la place importante que tiendront les
solitaires dans les écrits religieux ou profanes de l’Inde ;
et comme les natures ardentes exagèrent toutes choses, on
en viendra à attribuer aux pénitences extraordinaires,
comme aux rites, une puissance supérieure à celle des
dieux : lorsqu’un ascète se livrera à ces macérations insen-
sées dont on trouve des exemples dans la poésie épique1,
les dieux trembleront et l’ordre du monde sera troublé.

On ne pensait pas que le Coudra pût prétendre à la
délivrance finale, à la fin des renaissances ; alors, il faut
admettre que la masse du peuple ne serrait pas de telles
croyances de trop près, autrement on aurait peine à ima-
giner une condition plus misérable que celle de l’Indou,
courbé sous la loi des castes, soumis à la discipline étroite
du Karman et n’ayant pas même l’espérance du néant. Il
n’en reste pas moins que le Brahmanisme a manqué de
charité ; son égoïsme hautain a été une des causes de sa
ruine. A l’époque où nous nous
supposons transportés2, le Boud-
dhisme et le Jaïnisme ont déjà
rompu avec lui, et les esprits se
tournent de plus en plus vers les
religions populaires qui se sont
développées à côté de lui et dans
lesquelles il finit par se perdre.

IV

INDOUISME OU NÉO-BRAHMANISME 3

Depuis les temps les plus an-
ciens, il a existé dans l’Inde des
traditions, des croyances popu-
laires puisées probablement au
même fonds que celles des Brah-
manes, mais qui, par suite du
mélange des races, beaucoup plus
intime dans les castes inférieures,
se sont développées à côté du
Brahmanisme et, pendant des
siècles, ont échappé à son action.

Nous ne savons rien sur la genèse
de ces religions populaires. Les
écrits védiques et brahmaniques
laissent par intervalles soupçon-
ner leur existence, mais affectent
de ne pas s’en occuper. Ce qu’il
y a de certain, c’est que quand les
Brahmanes,plusieurs siècles avant
notre ère, sentirent que leur vieille théologie devenait
insuffisante, que les esprits s’éloignaient décidément de
leurs divinités effacées derrière des abstractions trop sub-
tiles, ils adoptèrent les dieux plus personnels et plus
vivants de ces religions, en les rattachant toutefois à la

Çiva et Pârvatî sur le taureau Nandi.

Fragment de char de Karikal. (Musée Guimet, n° 3522.)

1. Telles sont entre autres, dans le Râmâyana, celles de Râvana ;
celles du rishi Vashista, qui obtint que la Ganga céleste coulerait
sur la terre ; celles du çoudra Çambouka, qui pratiquait des austé-
rités interdites à sa caste et auquel Râma fut obligé de trancher la
tête pour rendre la paix à son royaume.

2. La fin de ce siècle est pour l’Inde une époque de transforma-
tions et d’inventions. Après l’expédition d’Alexandre, tous les petits
Etats du Nord sont réunis en une seule monarchie, celle des Mau-
ryas, et les Indous apprennent des Grecs la pratique de l’architec-
ture en pierre, l’usage de l’écriture et celui des monnaies.

3. L’Indouisme est professé par environ iSo millions d’hommes,
dans l’Inde, le Népal, l’Indo-Chine, Ceylan, les îles de la Sonde,
l’île Maurice, au Cap et jusqu’en Amérique. Le Mahométisme
compte dans l’Inde 40 ou 5o millions de sectateurs ; le Parsisme, à
peine une centaine de mille. Les Jaïns sont environ un demi-mil-
lion; quand au Bouddhisme, il a entièrement disparu de l’Inde
propre.

tradition védique, sur laquelle reposaient les privilèges de
leur caste. Ils n’avaient guère, d’ailleurs, que ce moyen de
lutter avantageusement contre le Bouddhisme, dont les
progrès menaçaient dangereusement leur primauté.

De ce compromis, résulta un état religieux qui s’est
perpétué dans l’Inde jusqu'à nos jours et qu’on a appelé
Indouisme. L’Indouisme comprend une foule de sectes
ayant des croyances, des pratiques, des usages divers, mais
invoquant toutes plus ou moins l’autorité des Vêdas depuis
l’intervention des Brahmanes; ceux-ci se sont faits les
théologiens, les littérateurs et même les ministres des
nouvelles religions; ce qui montre, néanmoins, que des
éléments populaires entrent pour une grande part dans la
formation de ces'dernières, c’est que la partie ancienne de
leur littérature n’est pas l’œuvre des Brahmanes1, que
leurs ministres sont souvent des hommes du peuple et
qu’enfin leurs doctrines ont un certain caractère de fra-
ternité que n’avait pas l’ancien
Brahmanisme. L’exposition de
ces doctrines offrirait ici peu d’in-
térêt, il suffit de savoir que presque
toutes admettent la métempsycose
et laissent subsister les castes.

Les religions sectaires adres-
sent leurs hommages à deux divi-
nités principales: Çiva ex. Vishnou,
qui, au point de vue mythique,
sont d’origine naturaliste ; ce sont
des divinités solaires; Çiva est le
soleil destructeur, Vishnou le
soleil bienfaisant.

Çiva, le plus ancien, est un
dieu très complexe, étant formé
d’éléments nombreux et hétéro-
gènes. On le considère comme
une transformation de Roudra,
le vieux dieu védique de l’oura-
gan. Dans l’Atharva-Vêda, Rou-
dra n’est déjà plus bienfaisant
comme dans les Hymnes; il est
terrible et destructeur; il est re-
gardé comme le maître de la vie
et de la mort et a pour compa-
gnon Kdla, le temps, qui pro-
duit et dévore tout; on l’identifie
dans le Yadjour-Vêda avec Agni,
conçu comme dieu du feu qui
consume ; dans une autre partie
du Yadjour-Vêda, l’hymne aux
cent Roudras, il reçoit une foule de noms et d’épithètes
qu’on donnera plus tard à Çiva ; il est le patron des gens
de métier, des soldats, des bandits, des mendiants, des
gens de rien. Çiva est tout cela, revêt une multitude de
« formes » et reçoit une foule de noms : il est Mahd-Dêva,
le grand dieu; Mahecvara, le grand seigneur; Bhava, le
prospère ; Mahd-Kdla, le temps qui engendre et détruit
tout ; comme producteur, il a pour symbole le taureau, le
linga et la lune, qui lui sert de diadème; le taureau Nandi
est sa monture ordinaire; comme destructeur, il est armé
du trident, symbole de l’éclair, et porte un collier de
crânes et une massue terminée par un crâne ; c’est le dieu
aux trois yeux, et son troisième œil, un œil de cyclope,
qui trahit son origine solaire, doit un jour dévorer le

1. Valmîkî, l’auteur du Râmâyana, serait un Ivoli, tribu abori-
gène méprise'e; le Mahâ-Bhârata et Us Pourânas auraient été compo-
sés par Vyâsa, né de l’union d’un Brâhmane et d’une fille de la caste
impure des pêcheurs; les admirables stances du Koural de Tirou-
vallouvar, en langue tamoule, seraient dues à un prêtre des parias.
 
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