Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

DOI Artikel:
Gabillot, Cyrille: Le musée Guimet et les religions de l'Extrème-Orient
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0290

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
258

L’ART.

les stigmates appelés Çrî-Vatsa. Il a, comme Çiva, une
foule de noms : Ananta, l’éternel; Krishna, le noir;
Govinda ou Gopàla, le pâtre, etc.

Ce qui donne à Vishnou une physionomie particulière
et bien nouvelle dans les religions de l’Inde, ce sont ses
incarnations ou Avatàras (descentes). L’idée des Avatars
a dû naître naturellement de la nécessité d’identifier
Vishnou avec des héros populaires divinisés. Elle con-
ciliait, comme la conception des « formes » de Çiva, et
mieux encore, les aspirations du peuple indou à un cer-
tain monothéisme avec son penchant pour l’idolâtrie, et
répondait de la façon la plus heureuse à tous les instincts
de ce peuple, « qui n’a jamais pu se contenter d’un seul
Dieu, ni se résigner à en adorer plusieurs. » Cette vertu
de Vishnou permit de lui rattacher un grand nombre de
figures fabuleuses ou historiques,
même de fondateurs de sectes, et
c’est peut-être ce qui a le plus
contribué à lui conserver sa popu-
larité. C’est surtout par l’inter-
médiaire de ses incarnations qu’il
rétablit l’ordre dans ce monde ;
elles sont nombreuses : « chaque
fois, dit Krishna, dans la Bhaga-
vad-Gîta 1, que l’impiété triomphe
et que la religion périclite, je me
manifeste sur la terre ». On en
compte dix principales2, dont les
plus populaires sont celles de
Krishna et de Râma, la septième
et la huitième.

Krishna, le noir, est la mani-
festation la plus complète de
Vishnou, probablement la plus
ancienne, et certainement celle
qui lui a assuré la primauté. C’est
la divinité chérie des Indous.

Selon la légende racontée dans le
Bhâgavata-Pourâna, il était fils de
Vasoudêva et de Dêvaki, de la race
des Yâdavas, puissante tribu râdj-
poute. Il naquir à Mathourâ, sur
la Yamounâ, entre Delhi et Agra.

Un sage ayant prédit qu’il met-
trait à mort son oncle Kansa, roi
de Mathourâ, et celui-ci en con-
séquence faisant tuer régulièrement ses neveux, Vasou-

1. La Bhagavad-Gîtâ, le chant du Très-Haut, est intercalée
comme épisode dans le Mahâ-Bhârata ; c’est l’évangile de Krishna.

2. Voici les dix avatars : i° Sous la forme de Matsya, le poisson,
;1 sauva du déluge le Manou Vaivasvata procréateur du genre
humain.— 2° Sous la forme de Kourma, la tortue, il servit de base
au mont Mérou, l’axe du monde, autour duquel les dieux nouèrent
le serpent Vâsouki et barattèrent l’Océan pour en retirer les objet.s
précieux perdus pendant le déluge. — 3° Sous la forme de Varaha,
le sanglier, il retira du fond des eaux la terre que le géant Hira-
nyaksha y avait plongée. — 4° Sous la forme de Nri-Simha, l’homme-
lion, il déchira avec ses ongles le roi des Daityas qui avait obtenu
d’être invulnérable aux coups des hommes et des dieux. — 5° Bali,
roi des Daityas, ayant acquis par ses austérités l’empire de l'univers
et menaçant de détrôner les dieux, Vishnou se présenta à lui sous
la forme d’un nain, Vâmana, et en obtint autant d’espace qu’il pour-
rait en parcourir en trois pas ; en deux pas Vishnou franchit le
monde céleste et le monde terrestre et laissa les enfers à Bali. —
6° Sous la forme de Paraçou Râma, Râma à la hache, il extermina
à trois fois sept reprises la caste impie des Kshatrias. — 7° Sous la
forme de Râma, il extermina les Rakshasas de Ceylan et leur roi
Ravâna; c’est le sujet du Ràmâyana.—8° Sous la forme de Krishna,
le noir, il enseigna les vérités de la loi et détruisit la race superbe
des âdavas. — g° Sous la forme du Bouddha, il précipite la perte
des infidèles en les séduisant par de fausses doctrines. — 10° Sous la
forme de Kalkim, le cheval blanc, il apparaîtra à la fin de l’âge de
fer, comme vengeur national, pour exterminer les barbares et rétablir
la pureté.

dêva et Dêvakî durent éloigner Krishna la nuit même de
sa naissance. Porté sur le bord opposé de la Yamounâ, et
confié aux soins du pâtre Nanda et de sa femme Yaçodâ,
il fut élevé comme leur fils, dans la forêt de Vrindâvana,
avec son frère Bala-Râma, sauvé comme lui du massacre.
On retrouve dans l’enfance de Krishna plusieurs traits de
celle d’Héraclès : les démons, alliés de Kansa, tentèrent à
plusieurs reprises de le faire périr. Il grandit au milieu
des pâtres du Vrindâvana, montrant une force et une
adresse extraordinaires. Les scènes de son adolescence
rappellent celles d’Apollon chez les bergers; il séduisit
par sa beauté et les sons de sa flûte les Gopïs, les bergères
des environs. Les amours de Krishna avec les Gopïs sont
importantes dans la légende, car les Vishnouites les con-
sidérèrent plus tard comme des allégories exprimant les
rapports mystiques de l’âme avec
Dieu ou encore les égarements de
l’âme. Parvenu à l’âge d’homme,
il tua le tyran Kansa avec l’aide
de Bala-Râma, et régna sur les
Yadavas ; puis il enleva et épousa
Roukmini, fille du roi de Vidarbha,
fit plusieurs guerres heureuses, et
prit une part active à la grande
lutte des fils de Pândou contre les
Ivourâvas, qui fait le sujet du
Mahâ-Bhârata. Enfin, après avoir
vu mourir son frère, après avoir
vu les Yâdavas s’entre-tuer jus-
qu’au dernier, il périt lui-même,
atteint au talon par la flèche d’un
chasseur.

On représente Krishna sous
les traits d’un beau jeune homme
au teint noir ou bleu et portant
une flûte.

De même que Krishna est
l’avatar par excellence de Vishnou,
de même Roukminî est celui de
Lakshmî ; Sîtâ, femme de Râma,
est aussi une incarnation de
Lakshmî, car cette dernière, mo-
dèle de fidélité conjugale, descend
ordinairement sur la terre avec
Vishnou et s’incarne dans des
femmes déesses. On leur donne
pour fils Kdma ou le désir, le dieu de l’amour, qui est
ainsi rattaché au Vishnouisme, comme Skanda et Ganéça
au Çivaïsme. Kâma, dont le culte était autrefois très
répandu, serait, selon d’autres légendes, le premier dieu
créé. L’austère Çiva, dont il avait osé troubler le cœur, le
foudroya d’un regard de son œil de cyclope.

Il y a ainsi une foule de fables et de légendes pieuses
que le Brâhmanisme ne nous a pas conservées. On les
retrouve dans la littérature plus récente des religions sec-
taires, notamment dans les écrits appelés Pourdnas, dont
les plus célèbres sont le Bhâgavata-Pourâna et le Vishnou-
PourânaÇ et dans les deux grands poèmes épiques le
Mahâ-Bhârata et le Râmâyana, qui ont pris place parmi
les livres sacrés, et sur lesquels nous nous arrêterons un
instant.

Le Mdha-Bhârata, la grande histoire de la race des
Bhâratides, est le poème national de l’Inde. On l’attribue

1. Le Vishnou-Pourâna a été' traduit par H. Wilson en anglais,
2' édition, 1864-77. — Le Bhâgâvata-Pourâna, par E. Burnouf, 3 vol.,
1840-47. — Le Mahâ-Bhârata, onze épisodes, par Ph. B. Foucaux.
Paris, 1862. — Les huit premiers chants du Mahâ-Bhârata, par
H. Fauche, 1863-70. — Le Râmâyana, par H. Fauche, 9 vol.
I854-5S.

Vishnou Narasimhâvatâra, incarnation de Vishnou en homme-lion.
Fragment de char sacré de Karikal. (Musée Guimet, n» 2612.)
 
Annotationen