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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 3
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Blanc, Charles: La Joconde de Léonard de Vinci: gravée par Calamatta
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS. 165

même chambre se tenait le fils d'un ancien directeur de l'Académie de
Rome, M. Thévenin, qui apprenait comme nous la gravure, et qui en
savait déjà les principes; enfin, la quatrième fenêtre, la plus rapprochée
de la porte, était réservée à un tout jeune homme qui, dans sa naïve
jo-norance des grandes traditions de l'art, n'avait encore mordu qu'aux
eaux-fortes de Rembrandt, et souriait irrévérencieusement à la vue des
chefs-d'œuvre de la gravure classique , dont la chambre était ornée. Cet
atelier, le plus souvent silencieux, était visité par des artistes et des per-
sonnages en renom. On y voyait venir tour à tour Paul Delaroche, Ary
Scheffer, M. Ingres, M. Thévenin père, alors conservateur du Cabinet des
Estampes; un des trois premiers graveurs de ce siècle, Henriquel Dupont;
et Franz Liszt et le pâle Chopin, qui entrait comme un fantôme froid et
poli, et dont la plus vive admiration en présence d'un objet d'art s'ex-
primait toujours par cette formule : « Rien nai mai choque », et une
femme toute brillante de sa jeune gloire , George Sand, et enfin l'abbé de
Lamennais, dont Calamatta faisait un crayon , et que je vois encore avec
sa lévite usée, sa culotte de ratine, le dos voûté, le visage parcheminé et
jaune, l'œil étincelant sous un front de génie, semblable aux héros
d'Hoffmann et un peu à Hoffmann lui-même. Le premier objet qui frap-
pait l'attention du visiteur c'était justement le dessin de laJoconde, placé
entre les deux chevalets de Calamatta et de Mercuri, vis-à-vis de la porte.
Personne n'entrait dans l'atelier sans être attiré par ce beau dessin, qui
semblait exercer, comme la peinture de Léonard, une sorte de fascina-
tion. Enveloppée dans le mystère de sa demi-teinte, cette tête char-
mante, avec son expression de sérénité fière et de provocation contenue,
avec la finesse d'un sourire qui, à certains moments, paraît satanique,
nous magnétisant de ses longs et voluptueux regards.

Vingt ans se sont écoulés depuis, et tout en conduisant des travaux
considérables, tout en dirigeant l'école de Rruxelles, où l'avait appelé sa
grande réputation, M. Calamatta n'a jamais perdu de vue la Joconde. De
même que Léonard de Vinci était revenu cent et cent fois sur cette tête
dont l'expression indéfinissable déconcertait son pinceau et intriguait peut-
être son cœur, de même le graveur, ayant à traduire à la fois la beauté du
modèle et l'interprétation du peintre, a repris cent et cent fois son burin
pour creuser les ombres de cette tête, en augmenter le relief, en adou-
cir les demi-teintes et en retrouver la construction osseuse sous la pléni-
tude et la fermeté des chairs. 11 est des ouvrages auxquels un graveur,
mi statuaire, un peintre ne travaillent que dans les bons jours, quand
L'intelligence esl reposée et recueillie, qu'elle est bien en possession d'elle-
même ei que la main lui obéit sans hésitation. C'est pour cela que cer-
 
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