GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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certaines de ces fontes décoraient jadis. Cinq ont été converties en gros sous, sans grand
avantage probablement pour la fortune publique et au grand préjudice des arts et du
respect, qu'on doit porter à leurs œuvres ; cinq sont parvenues jusqu'à nous, et quatre se
trouvent dans le jardin des Tuileries.
Le Laocoon est moulé tel que le sol de Rome le rendit à l'admiration de la Renais-
sance, sans les essais de restauration qu'on lui a fait subir. L'Apollon et la Vénus se font
pendant sur les gazons du jardin réservé. Cette Vénus est une précieuse reproduction
d'un antique invisible aujourd'hui, car la pudeur papale l'a revêtue d'une draperie de
stuc. Le Commode est cet Hercule trapu, tenant un enfant sur sa main, qui se dresse
à l'extrémité de la grande allée des orangers. Quant à l'Ariane, couchée jadis sur ce
colossal modèle de pendule qui cachait la sortie du souterrain de la terrasse du bord de
l'eau, on la voyait fort mal, mais aujourd'hui on ne la voit plus, car elle n'a point trouvé
place dans les nouveaux arrangements du jardin.
En lisant ce travail si complet sur un point de l'art de la Renaissance, ignoré de la
plupart de ceux qui, connaissant les statues, étaient tentés de les attribuer aux Relier,
nous n'avons eu qu'un regret, c'est qu'il n'ait point paru dans les pages de la Gazette des
Beaux-Arts, où il eût fait si bonne figure, illustré de quelques vues des parterres de Fon-
tainebleau , d'après Aveline, Israël Henriet ou Israël Svlvestre.
A. D.
uresde, Montpellier. — L. Curmer, 185S. (Ce joli petit livre n'a pas
été mis dans le commerce : il a été tiré à petit nombre pour être donné
à quelques amateurs. En regard de chaque photographie se trouve
une pièce de vers; quelques-unes de ces pièces sont imitées de
l'allemand.)
La photographie, dans certaines limites, est un art charmant. Confiez-lui l'illustra-
tion d'un livre, elle s'en acquittera à merveille. Comme elle a pour agent le soleil, le
plus rapide des agents, en quelques heures elle a fait le tour du monde, et, sur sa
route elle a pris, çà et là, ce qu'il y a de plus beau, de plus aimable, de plus doux au
regard ou au souvenir.
C'est une heureuse idée que le petit livre de M. Curmer. On voyage en le parcou-
rant; on suit au vol la pensée des maîtres. On se prosterne devant la Madone de Saint-
Sixte; on passe en soupirant devant la Madeleine pénitente: on salue la famille de-
Charles Ier; on s'arrête devant ce Portrait de jeune homme, énigme savante que pos-
sède le Musée de Montpellier, où Francia la dispute à Raphaël, un maître à un maître;
Puis Jes Filles de Palma le Vieux vous prennent par la main et vous ouvrent la porte
du paganisme. Vénus quitte le lit où l'a couchée Titien pour recevoir de Rubens la
pomme de la beauté; avec elle on traverse le Jardin d'amour, et l'on prend terre chez
Rembrandt qui, le verre à la main, s'amuse à faire sauter sur ses genoux sa jeune
femme. Voyage poétique, plaisir délicat. Pendant que l'art vous emporte de Dresde à
Florence, de Rome à Montpellier, la voix de la Muse murmure à votre oreille, et com-
mente dans la douce langue des vers le génie des grands peintres.
Du mérite, des vers, d'autres en parleront mieux que nous et diront combien ils
sont finement sentis et finement touchés. Mais nous pouvons louer les images photo-
graphiques et toutes ces élégances de l'impression dont l'éditeur-poëte a enveloppé son
livre, comme s'il en voulait faire le Livre d'heures de l'homme de goût.
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certaines de ces fontes décoraient jadis. Cinq ont été converties en gros sous, sans grand
avantage probablement pour la fortune publique et au grand préjudice des arts et du
respect, qu'on doit porter à leurs œuvres ; cinq sont parvenues jusqu'à nous, et quatre se
trouvent dans le jardin des Tuileries.
Le Laocoon est moulé tel que le sol de Rome le rendit à l'admiration de la Renais-
sance, sans les essais de restauration qu'on lui a fait subir. L'Apollon et la Vénus se font
pendant sur les gazons du jardin réservé. Cette Vénus est une précieuse reproduction
d'un antique invisible aujourd'hui, car la pudeur papale l'a revêtue d'une draperie de
stuc. Le Commode est cet Hercule trapu, tenant un enfant sur sa main, qui se dresse
à l'extrémité de la grande allée des orangers. Quant à l'Ariane, couchée jadis sur ce
colossal modèle de pendule qui cachait la sortie du souterrain de la terrasse du bord de
l'eau, on la voyait fort mal, mais aujourd'hui on ne la voit plus, car elle n'a point trouvé
place dans les nouveaux arrangements du jardin.
En lisant ce travail si complet sur un point de l'art de la Renaissance, ignoré de la
plupart de ceux qui, connaissant les statues, étaient tentés de les attribuer aux Relier,
nous n'avons eu qu'un regret, c'est qu'il n'ait point paru dans les pages de la Gazette des
Beaux-Arts, où il eût fait si bonne figure, illustré de quelques vues des parterres de Fon-
tainebleau , d'après Aveline, Israël Henriet ou Israël Svlvestre.
A. D.
uresde, Montpellier. — L. Curmer, 185S. (Ce joli petit livre n'a pas
été mis dans le commerce : il a été tiré à petit nombre pour être donné
à quelques amateurs. En regard de chaque photographie se trouve
une pièce de vers; quelques-unes de ces pièces sont imitées de
l'allemand.)
La photographie, dans certaines limites, est un art charmant. Confiez-lui l'illustra-
tion d'un livre, elle s'en acquittera à merveille. Comme elle a pour agent le soleil, le
plus rapide des agents, en quelques heures elle a fait le tour du monde, et, sur sa
route elle a pris, çà et là, ce qu'il y a de plus beau, de plus aimable, de plus doux au
regard ou au souvenir.
C'est une heureuse idée que le petit livre de M. Curmer. On voyage en le parcou-
rant; on suit au vol la pensée des maîtres. On se prosterne devant la Madone de Saint-
Sixte; on passe en soupirant devant la Madeleine pénitente: on salue la famille de-
Charles Ier; on s'arrête devant ce Portrait de jeune homme, énigme savante que pos-
sède le Musée de Montpellier, où Francia la dispute à Raphaël, un maître à un maître;
Puis Jes Filles de Palma le Vieux vous prennent par la main et vous ouvrent la porte
du paganisme. Vénus quitte le lit où l'a couchée Titien pour recevoir de Rubens la
pomme de la beauté; avec elle on traverse le Jardin d'amour, et l'on prend terre chez
Rembrandt qui, le verre à la main, s'amuse à faire sauter sur ses genoux sa jeune
femme. Voyage poétique, plaisir délicat. Pendant que l'art vous emporte de Dresde à
Florence, de Rome à Montpellier, la voix de la Muse murmure à votre oreille, et com-
mente dans la douce langue des vers le génie des grands peintres.
Du mérite, des vers, d'autres en parleront mieux que nous et diront combien ils
sont finement sentis et finement touchés. Mais nous pouvons louer les images photo-
graphiques et toutes ces élégances de l'impression dont l'éditeur-poëte a enveloppé son
livre, comme s'il en voulait faire le Livre d'heures de l'homme de goût.