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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 22.1867

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Nr. 5
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Clément, Charles: Géricault, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.19883#0473

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tiers pour vivre, était installé à Meudon dans une petite auberge, les Trois
couronnes, que Juliel, 'peintre barbouilleur philosophe, l’avait chargé de
décorer. Ils se mirent en campagne et n’eurent pas de peine à découvrir
le bouchon. Le facétieux artiste avait peint sur les volets des lapins, des
lièvres, des canards, des brioches, avec un homme debout qui montrait
la porte de l’écurie. Charleta raconté lui-même cette première entrevue:
dj’étais dans tout le feu de ces compositions, écrit-il, quand l’aubergiste
vint me prier de monter au premier étage où l’on m’attendait; j’y trouvai
deux joyeux convives attablés, et au milieu d’eux un compagnon qui,
après m’avoir dit qu’il s’appelait Géricault, ajouta : Vous ne me connaissez
pas, monsieur Charlet, mais moi je vous connais et vous estime beaucoup;
j’ai vu de vos lithographies qui ne peuvent sortir que du crayon d’un
brave, et si vous voulez vous mettre à table avec nous, vous nous ferez
honneur et plaisir. — Gomment donc, messieurs, mais tout l’honneur et
le plaisir sont pour moi. — Je me mis donc à table, et tout se passa bien,
et même si bien que de ce jour date une amitié que la mort seule a con-
trariée. Pauvre Géricault, excellent cœur cl’honnête homme et de grand
artiste G » Géricault revint à Paris à deux heures du matin. Les liba-
tions avaient été abondantes; il était enchanté et dans un tel état
d’exaltation qu’il se mit à embrasser M. Jamar, qui l’attendait à l’atelier,
sans vouloir plus le lâcher.

Depuis ce moment les deux artistes se virent fréquemment, et il s’éta-
blit entre eux une véritable intimité qui n’eut pas, à ce que je crois, une
heureuse influence sur Géricault. Charlet était un homme de beaucoup
de talent et d’esprit, un observateur incisif, ingénieux et souvent profond,
un dessinateur très-habile; mais, sous le rapport du caractère, il n’était
pas l’égal de Géricault. Je ne voudrais pas contrister l’ombre de son
admirateur passionné, de son biographe^ l’excellent colonel de La Combe,
mais Charlet n’était pas du tout un cœur d’or, comme son panégyriste le
répète à tout propos. Il avait des vertus privées que l’on est assez surpris
de rencontrer chez un homme de cette nature : il était bon père de famille
et d’une probité à toute épreuve. Sans doute, il aimait ses amis à sa ma-
nière, mais il se livrait même envers eux à des plaisanteries cruelles qui
passent toutes les bornes, et que je ne puis lui pardonner. Son plus grand
bonheur était de déranger les jeunes gens; il les menait à la barrière, les
grisait de vin bleu, et s’amusait comme un fou et comme un méchant de
leurs balourdises, puis les plantait là. Géricault était sans défense vis-à-
vis de ceux qu’il aimait. Charlet l’entraîna souvent. Un jour M. Dorcy le 1

1. Charlet, sa vie, ses lettres, par M. de La Combe, p. H.
 
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