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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 8.1873

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Nr. 5
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Renan, Ernest: Les dircés chrétiennes
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https://doi.org/10.11588/diglit.21410#0405

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LES DIRGÉS CHRÉTIENNES.

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gérée ! Si l’hypothèse de M. Hefele est la vraie, le passage de Clément
Romain signifierait donc que parmi les pieuses femmes de la primitive
Église de Rome qui furent victimes de la persécution de l’an 64, quel-
ques-unes, attachées à des taureaux furieux, ensanglantèrent Y arène
malinale1 de leurs entrailles déchirées.

Quelques textes des anciens romanciers corroborent cette explication
d’une manière remarquable. « Que voit-il?... lisons-nous dans Apulée :
une étonnante scène de théâtre, une vieille Dircé pendue, non pas à un
taureau mais à un âne2 » Les mêmes mots se retrouvent presque dans
le Lucius de Lucien3. Mais le musée de Naples renferme une confirma-
tion plus frappante encore de l’hypothèse du théologien allemand. En
visitant l’an dernier ce musée incomparable, ou plutôt en échangeant
avec le savant antiquaire, M. Minervini, quelques réflexions sur les tré-
sors qu’il contient, je fus amené à découvrir une représentation figurée
qui suffirait à elle seule pour mettre hors de doute la thèse de M. Hefele.

Je causais avec M. Minervini des différentes représentations peintes
ou sculptées du mythe de Dircé que possède le Museo Borbonico, et je
lui citais le passage de Clément Romain. « Avez-vous remarqué, me dit-
il, la fresque de Pompeï qu’a reproduite M. Avellino dans le tome VIIe du
recueil de YAccademia Ercolanese? Cette composition a, en effet, cela de
remarquable que la mort de Dircé y est représentée comme un spec-
tacle. » Je revis la fresque de Pompeï sous l’impression de l’idée de
M. Minervini, et j’en reconnus la parfaite justesse. L’agencement général
de la scène, la pose et le groupement des personnages prouvent qu’il
s’agit d’une représentation dramatique et d’acteurs. Mon savant con-
frère, M. de Witte, à qui j’ai montré la gravure d’Avellino, a été du
même avis et pense que le peintre a voulu donner l’image de ce qui
se passait au théâtre. Les Romains du premier siècle étaient tellement
préoccupés de représentations théâtrales que les arts plastiques subis-
saient profondément l’influence des acteurs, de même qu’à une certaine
époque nos peintres concevaient les scènes héroïques bien plus comme
on les jouait au Théâtre-Français que comme on pouvait supposer qu’elles
s’étaient passées dans l’antiquité.

La fi'esque de Pompeï, dont nous donnons la gravure au trait, d’après
Avellino, doit avoir été exécutée peu d’années avant la destruction de la
ville en 78. Elle date, par conséquent, de l’époque même où eut lieu, dans

Martial, X, 25; XIII, 95.

2. Apulée, Métam., VI, <27.

3. Lucien, Lucius, 23 (lisez Alpxw, et nonSixm).
 
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