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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de Madeleines, d’odalisques, de grisettes, d’orphelins au cimetière,
de liseuses au coin du feu, de filles séduites, de peines d’amour, de
rêves d’amour, etc., etc., le tout interprété souvent dans le goût de
l’époque et pour les besoins de l’imagerie ; mais, à travers un fatras
d’estampes démodées, on pressent bien l’artiste à venir avec ses
envolées inégales d’esprit tourmenté, avec son sentiment expressif
dans les genres les plus divers, avec l’affirmation déjà de sa note
dominante : la préoccupation un peu sensuelle de la beauté féminine.
Revenons au peintre que nous avons laissé, en 1834, chargé, à la
suite de son succès au Salon, de plusieurs commandes de portraits
pour le Musée de Versailles. Il les exécuta l’année suivante et, entre
temps, envoya au Salon un épisode du Vicaire de Wakefield; mais il se
vit refuser par le jury de 1836 — en compagnie, il est vrai, de
Delacroix, de Tb. Rousseau, de Marilhat, de Jules Dupré, de Paul
Huet, etc. — un Christ en croix, supérieur, cependant, d’après
VArtiste, « à tous ses précédents ouvrages ». Il fit une rentrée bril-
lante à l’Exposition de 1838 : les Funérailles de Dagobert à Saint-Denis,
commandées pour le Musée de Versailles, la Mort d’Héloïse, une
Madeleine au désert, etc., lui valurent, outre les premiers éloges de
Thoré, une médaille de deuxième classe. Aux Salons suivants, on eut
de lui des portraits (1840), Diane au bain (1842), les Voleurs volés
(1843), le Christ au jardin des Oliviers, le Doute et la Foi, VAnge déchu
(1844), la Sainte Vierge allaitant l’Enfant Jésus (1845). Insensiblement
il renonçait aux scènes historiques pures, pour traiter un instant le
portrait, par boutades les motifs religieux, mais principalement le
genre. La Pauvre enfant, les Enfants heureux, les Enfants malheureux,
Érigone surtout, exposés en 1846, furent loués par Théophile Gautier,
resté depuis son admirateur, et par Charles Baudelaire qui, en
invitant l’auteur à se consacrer de préférence aux « sujets amou-
reux », dans la plus large acception du mot, semble avoir eu la
divination d’un des plus séduisants aspects du talent de Tassaert.
A Une famille malheureuse, à Une jeune fille dans une forêt, à ses
trois autres tableaux du Salon de 1849, éclipsés par sa Tentation de
saint Antoine, objet d’une médaille d’or, succédèrent ses toiles fameuses
de l’Exposition de 1850-1851 : Une famille malheureuse (commande
de l'Etat), Ciel et enfer, les Jardins d’Annule, et Sarah la baigneuse.
Nous avons déjà dit l’influence, regrettable selon nous, qu’exerça sur
le peintre le succès de cette Famille malheureuse, en le cantonnant trop
dans une de ses manières qui n’est pas la meilleure. Sa Commu-
nion des premiers chrétiens dans les catacombes (commande de l’Etat) lui
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de Madeleines, d’odalisques, de grisettes, d’orphelins au cimetière,
de liseuses au coin du feu, de filles séduites, de peines d’amour, de
rêves d’amour, etc., etc., le tout interprété souvent dans le goût de
l’époque et pour les besoins de l’imagerie ; mais, à travers un fatras
d’estampes démodées, on pressent bien l’artiste à venir avec ses
envolées inégales d’esprit tourmenté, avec son sentiment expressif
dans les genres les plus divers, avec l’affirmation déjà de sa note
dominante : la préoccupation un peu sensuelle de la beauté féminine.
Revenons au peintre que nous avons laissé, en 1834, chargé, à la
suite de son succès au Salon, de plusieurs commandes de portraits
pour le Musée de Versailles. Il les exécuta l’année suivante et, entre
temps, envoya au Salon un épisode du Vicaire de Wakefield; mais il se
vit refuser par le jury de 1836 — en compagnie, il est vrai, de
Delacroix, de Tb. Rousseau, de Marilhat, de Jules Dupré, de Paul
Huet, etc. — un Christ en croix, supérieur, cependant, d’après
VArtiste, « à tous ses précédents ouvrages ». Il fit une rentrée bril-
lante à l’Exposition de 1838 : les Funérailles de Dagobert à Saint-Denis,
commandées pour le Musée de Versailles, la Mort d’Héloïse, une
Madeleine au désert, etc., lui valurent, outre les premiers éloges de
Thoré, une médaille de deuxième classe. Aux Salons suivants, on eut
de lui des portraits (1840), Diane au bain (1842), les Voleurs volés
(1843), le Christ au jardin des Oliviers, le Doute et la Foi, VAnge déchu
(1844), la Sainte Vierge allaitant l’Enfant Jésus (1845). Insensiblement
il renonçait aux scènes historiques pures, pour traiter un instant le
portrait, par boutades les motifs religieux, mais principalement le
genre. La Pauvre enfant, les Enfants heureux, les Enfants malheureux,
Érigone surtout, exposés en 1846, furent loués par Théophile Gautier,
resté depuis son admirateur, et par Charles Baudelaire qui, en
invitant l’auteur à se consacrer de préférence aux « sujets amou-
reux », dans la plus large acception du mot, semble avoir eu la
divination d’un des plus séduisants aspects du talent de Tassaert.
A Une famille malheureuse, à Une jeune fille dans une forêt, à ses
trois autres tableaux du Salon de 1849, éclipsés par sa Tentation de
saint Antoine, objet d’une médaille d’or, succédèrent ses toiles fameuses
de l’Exposition de 1850-1851 : Une famille malheureuse (commande
de l'Etat), Ciel et enfer, les Jardins d’Annule, et Sarah la baigneuse.
Nous avons déjà dit l’influence, regrettable selon nous, qu’exerça sur
le peintre le succès de cette Famille malheureuse, en le cantonnant trop
dans une de ses manières qui n’est pas la meilleure. Sa Commu-
nion des premiers chrétiens dans les catacombes (commande de l’Etat) lui