164
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
des amateurs par la signature qu’il porte : Caval0 A Van Dyck Fe. a. 1634, époque
à laquelle le grand artiste, acclimaté en Angleterre, fit son dernier voyage dans
les Pays-Bas. Ce portrait, qui appartient à M. Ayscough Fawkes, représente la
Duchesse d’Arenberg avec son enfant. C’est un splendide portrait d’apparat, révé-
lant partout la main du Maître, et combinant les tons argentés et les raffinements
d’élégance de la manière anglaise avec quelque chose de la vigueur de la période
flamande. L’artiste, en peignant ce morceau capital, a eu moins en vue la person-
nalité de ses modèles que la splendeur et la suprême distinction qu’il entendait
donner à son œuvre.
J’ai déjà indiqué dans la Chronique la plupart des tableaux hollandais dignes
d’une mention particulière. Il serait difficile de voir réunis dans une même salle
trois Adrien van Ostade, plus remarquables que ceux qui ont été prêtés par Sa
Majesté la Reine, par le duc de Wellington et par M. Alfred de Rothschild; mais il
serait oiseux d’en faire la description; ils ne s’écartent point de la manière
habituelle et des sujets traités par le peintre. Un grand paysage par Luc van Uden,
avec personnages par Teniers le jeune, a été exposé par la Galerie nationale
d’Irlande. Il porte la signature du premier de ces peintres. Cette imitation lointaine
des paysages de Rubens, signée par son élève, est intéressante parce qu’elle fournit
une preuve de plus de la source d’où proviennent maintes toiles médiocres et de
facture timide, attribuées témérairement au Maître.
J’ai énuméré aussi les principaux ornements de la section de l’Exposition con-
sacrée aux Écoles anglaises. On ne saurait trop louer le merveilleux portrait en
pied de Mts Sheridan, par Gainsborough (à lord Rothschild). La célèbre cantatrice,
Élisabeth Linley, qui fut l’épouse malheureuse de Richard Brinsley Sheridan, nous
apparaît dans toute la fraîcheur de sa beauté; cette tête divinement belle peut
rivaliser avec tout ce que le peintre a produit de plus parfait; il s’en émane, je ne
sais quoi de gracieux, de vif et de naturel; le paysage, indiqué à grands traits,
encadre admirablement le personnage. Mais il ne faut pas regarder de trop près
les draperies et les lignes du corps, indiquées sommairement et sans grand souci
de la correction. On se souviendra que cette même beauté inspira à Reynolds
une de ses œuvres les plus attrayantes, la célèbre Sainte Cécile. Parmi d’autres
toiles endommagées et médiocres de Gainsborough, toujours le plus inégal des
peintres, on distingue encore quelques charmants morceaux, entre autres une
esquisse bien vivante de ses deux petites filles se lançant à la poursuite d’un
papillon.
M. Alfred de Rothschild, grand colloctionncur des portraits de Romney, envoie
cette année une toile de la meilleure qualité, le portrait d’une toute jeune femme
simplement vêtue de blanc et coiffée d’un énorme chapeau à plumes. Pour le
charme tranquille et la distinction, sinon même pour la séduction de la couleur,
ce portrait peut prendre place à côté des meilleures œuvres de Reynolds et de
Gainsborough. Voici aussi, outre les fameux paysages de Constable, The Hay-wain
et Stratford Mill, une admirable esquisse très largement brossée pour le grand
tableau Salisbury, qui est au Musée de Kensington : c’est une véritable « impres-
sion » dans la meilleure acception du mot, pleine de fraîcheur et de vérité et d’un
sentiment sain et vigoureux. Un charmant tableau de genre de la main d’un
peintre éminemment national, mais hélas! bien inégal, George Morland, est le Tea
Garden popularisé par la gravure : c’est un des meilleurs spécimens de l’artiste.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
des amateurs par la signature qu’il porte : Caval0 A Van Dyck Fe. a. 1634, époque
à laquelle le grand artiste, acclimaté en Angleterre, fit son dernier voyage dans
les Pays-Bas. Ce portrait, qui appartient à M. Ayscough Fawkes, représente la
Duchesse d’Arenberg avec son enfant. C’est un splendide portrait d’apparat, révé-
lant partout la main du Maître, et combinant les tons argentés et les raffinements
d’élégance de la manière anglaise avec quelque chose de la vigueur de la période
flamande. L’artiste, en peignant ce morceau capital, a eu moins en vue la person-
nalité de ses modèles que la splendeur et la suprême distinction qu’il entendait
donner à son œuvre.
J’ai déjà indiqué dans la Chronique la plupart des tableaux hollandais dignes
d’une mention particulière. Il serait difficile de voir réunis dans une même salle
trois Adrien van Ostade, plus remarquables que ceux qui ont été prêtés par Sa
Majesté la Reine, par le duc de Wellington et par M. Alfred de Rothschild; mais il
serait oiseux d’en faire la description; ils ne s’écartent point de la manière
habituelle et des sujets traités par le peintre. Un grand paysage par Luc van Uden,
avec personnages par Teniers le jeune, a été exposé par la Galerie nationale
d’Irlande. Il porte la signature du premier de ces peintres. Cette imitation lointaine
des paysages de Rubens, signée par son élève, est intéressante parce qu’elle fournit
une preuve de plus de la source d’où proviennent maintes toiles médiocres et de
facture timide, attribuées témérairement au Maître.
J’ai énuméré aussi les principaux ornements de la section de l’Exposition con-
sacrée aux Écoles anglaises. On ne saurait trop louer le merveilleux portrait en
pied de Mts Sheridan, par Gainsborough (à lord Rothschild). La célèbre cantatrice,
Élisabeth Linley, qui fut l’épouse malheureuse de Richard Brinsley Sheridan, nous
apparaît dans toute la fraîcheur de sa beauté; cette tête divinement belle peut
rivaliser avec tout ce que le peintre a produit de plus parfait; il s’en émane, je ne
sais quoi de gracieux, de vif et de naturel; le paysage, indiqué à grands traits,
encadre admirablement le personnage. Mais il ne faut pas regarder de trop près
les draperies et les lignes du corps, indiquées sommairement et sans grand souci
de la correction. On se souviendra que cette même beauté inspira à Reynolds
une de ses œuvres les plus attrayantes, la célèbre Sainte Cécile. Parmi d’autres
toiles endommagées et médiocres de Gainsborough, toujours le plus inégal des
peintres, on distingue encore quelques charmants morceaux, entre autres une
esquisse bien vivante de ses deux petites filles se lançant à la poursuite d’un
papillon.
M. Alfred de Rothschild, grand colloctionncur des portraits de Romney, envoie
cette année une toile de la meilleure qualité, le portrait d’une toute jeune femme
simplement vêtue de blanc et coiffée d’un énorme chapeau à plumes. Pour le
charme tranquille et la distinction, sinon même pour la séduction de la couleur,
ce portrait peut prendre place à côté des meilleures œuvres de Reynolds et de
Gainsborough. Voici aussi, outre les fameux paysages de Constable, The Hay-wain
et Stratford Mill, une admirable esquisse très largement brossée pour le grand
tableau Salisbury, qui est au Musée de Kensington : c’est une véritable « impres-
sion » dans la meilleure acception du mot, pleine de fraîcheur et de vérité et d’un
sentiment sain et vigoureux. Un charmant tableau de genre de la main d’un
peintre éminemment national, mais hélas! bien inégal, George Morland, est le Tea
Garden popularisé par la gravure : c’est un des meilleurs spécimens de l’artiste.