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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 33.1886

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Nr. 2
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Laforgue, Jules: Correspondance de Berlin: exposition de sculpture polychrome à la National-Galerie
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https://doi.org/10.11588/diglit.19427#0190

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108

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

couleurs sur d’importants marbres de la belle époque, il est évident que cette
polychromie grecque n’était rien moins que réaliste, mais sommaire et abstraite,
conçue, en un mot, dans le même esprit que le modelé et la tenue des œuvres
auxquelles on l’appliquait. Notre modelé et notre tenue sont tout autres; tout
autre sera notre polychromie, avec l'impérieux élément de notre toilette moderne
et le trésor de matériaux et de trucs dont nous disposons. La question de simple
curiosité écartée, cette partie rétrospective, fort incomplète d’ailleurs, est donc
à peu près déplacée ici.

La partie moderne comprend : 1° des morceaux connus, conçus et exécutés
comme monochromes et peints ensuite après coup, sans foi ni loi, et le plus grand
nombre par un artiste différent, ce qui aboutit, en somme, à des œuvres d’excep-
tion, sortes de curiosités faites sur la commande d’amateurs excentriques et
byzantins, fort intéressantes parfois peut-être à ce point de vue de dilettante, mais
sans portée pour l’idée polychrome que cette exposition se proposait d’établir et
de généraliser; 2° nombre de compromis, et des moins nouveaux, en bronze, bois
patiné et faïence, qui ne font que déplacer la question sans même l’aborder;
enfin, beaucoup de produits industriels, d’ordre absolument inférieur et du goût
le plus navrant : bibelots viennois, marbres italiens et plâtres peints, bronzés,
argentés ou dorés de dernière catégorie.

Trois œuvres de bonne foi, dont je parlerai plus loin, m’ont seules paru
devoir être retenues, dans toute cette foire d’œuvres commerciales et dispa-
rates.

Kauer de Kreutznach, mort Tan dernier, fut le premier et le plus exclusif
sectateur de la statuaire polychrome en Allemagne ; nous avons ici à peu près
tout son œuvre dans cet art : cinq morceaux. Kauer commence par dorer, et point
parcimonieusement, je vous assure, le morceau à polychromer, puis le peint fran-
chement à l’huile, et alors, çà et là, aux endroits à rehausser, use sa couleur de
façon à laisser reparaître le bain d’or primitif. Un crucifix de grand chemin,
observé par hasard près de Kreutznach, conduisit l’artiste à procéder ainsi. Ce
crucifix avait été doré, puis grossièrement peint; la pluie et le temps avaient fait
le reste. Kauer trouva si satisfaisante cette œuvre du hasard, qu’il se mit à tenter
systématiquement la même chose. Son premier essai fui fait sur un médaillon
de marbre, une énorme tête cYEcce homo, sans caractère d’ailleurs; l’artiste
combina sa dorure avec du noir animal et passa un peu de rouge aux lèvres.
Résultat : une uniforme patine de bronze doré, qui semble ne devoir jamais
sécher et qui a coulé si copieusement que le modèle, déjà banal et cartonneux, y
est entièrement noyé. Un buste de jeune Faune, que nous voyons à côté, est enduit
de la même sauce luisante d’or bronzé. Jusqu’ici, nulle recherche sérieuse de
polychromie. Dans un groupe de Nymphe et amour et dans un Saint Georges terras-
sant le dragon, le ton d’or ne joue plus qu’un rôle de fond transparaissant aux
vigueurs. Mais, malgré le style poncif de ses compositions, Kauer de Kreutznach
était un artiste naïvement barbare ; sa patine d’or, aussi bien que son bariolage
de vermillon, de jaune, de bleu et de vert végétal est criard, sans nuance et sans
discrétion. On dirait de l’assyrien flambant neuf. Sa restauration d'un groupe de
cavaliers du Parlhénon ne saurait être également qu’une erreur, même vue en
plein air, à la hauteur d’une frise et sur un fond de métopes et de triglyphes
peints. On ne saurait entrer avec une candeur plus effrontée dans cette question
 
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