DOI issue:
Nr. 4
DOI article:Hymans, Henri: Correspondance de Belgique
DOI Page / Citation link: https://doi.org/10.11588/diglit.19427#0390
CORRESPONDANCE DE BELGIQUE
355
126 planches de l’espèce, faisant partie de sa propre collection et de celle du
cabinet des Estampes de la Bibliothèque royale. Sans remonter aux Grecs, le baron
de Vinck n’en vulgarise pas moins des sources d’une respectable ancienneté, et
c’est chose très singulière de voir le bruit des grands événements européens venir
s’éteindre dans le plus pacifique des jeux. Les différents régimes s’y traduisent
d’ailleurs d’une manière très frappante et l’on y voit des titres tels que ceux-ci :
Jeu du costume et des coiffures des dames, dédié au beau sexe. — Les Délassements
du père Gérard, ou la Poule de Henri IV, mise au pot en 1792; — Jeu de l'amour et de
l’hyménêe; — la Pirouette instructive; — le Jeu des guerriers français, favoris de la
victoire; — le Jeu des Cosaques; — le Jeu royal de la vie de Henri IV, le tout pour
finir par le Jeu des places, passe-temps de ceux qui n en ont pas!
En somme, l’auteur dit avec raison : « Feuilletez ces portefeuilles de jeux, vous
y rencontrerez des documents historiques. On y voit où s’arrêtaient les connaissances
des plus doctes géographes sous le Roi-Soleil; l’art de la guerre, des fortifications,
de la marine, de la tactique militaire s’y trouve expliqué dans le plus grand détail;
l'ctude du costume y est des plus amusantes : on dirait les feuillets d’un journal
de modes; le théâtre nous enseignera les pièces et les noms des artistes en vogue;
l’étude des mœurs y est des plus indiscrètes.
« L’histoire telle que nous la rencontrons-là, ajoute-t-il, n’est pas toujours
exempte de préjugés politiques; ainsi l’un de ces jeux inspirés par les disciples du
père Loriquet nous montre Louis XVIII succédant directement et sans transition
à Louis XVI, mort en 1793. La satire s’y ébat joyeusement, car des protestants
français risquaient leur argent sur un jeu qui flagelle la fameuse bulle Unigenitus.
Trêve donc de sarcasmes à l’adresse des collectionneurs. »
Le baron de Vinck avait bien le droit de plaider la cause des collectionneurs,
car il est le possesseur de l’une des plus superbes collections d’estampes et autres
documents relatifs à la Révolution française. Il a donné jadis une iconographie fort
intéressante de Marie-Antoinette. Son travail sur les jeux de l’oie gardera l'intérêt
de toute étude bien faite. A l’en croire, la disparition des jeux de l’espèce serait due
à la diffusion de l’instruction, et l’auteur nous prédit leur retour.
Espérons, si cela doit être, que ce ne sera pas au prix d’un retour à l’ignorance.
Il faut donc souhaiter que la série descriptive du baron de Vinck n’ait point de
suite. Au surplus, il a bien d’autres sujets qu’il saura traiter avec une égale
compétence.
HENRI HYMANS.
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126 planches de l’espèce, faisant partie de sa propre collection et de celle du
cabinet des Estampes de la Bibliothèque royale. Sans remonter aux Grecs, le baron
de Vinck n’en vulgarise pas moins des sources d’une respectable ancienneté, et
c’est chose très singulière de voir le bruit des grands événements européens venir
s’éteindre dans le plus pacifique des jeux. Les différents régimes s’y traduisent
d’ailleurs d’une manière très frappante et l’on y voit des titres tels que ceux-ci :
Jeu du costume et des coiffures des dames, dédié au beau sexe. — Les Délassements
du père Gérard, ou la Poule de Henri IV, mise au pot en 1792; — Jeu de l'amour et de
l’hyménêe; — la Pirouette instructive; — le Jeu des guerriers français, favoris de la
victoire; — le Jeu des Cosaques; — le Jeu royal de la vie de Henri IV, le tout pour
finir par le Jeu des places, passe-temps de ceux qui n en ont pas!
En somme, l’auteur dit avec raison : « Feuilletez ces portefeuilles de jeux, vous
y rencontrerez des documents historiques. On y voit où s’arrêtaient les connaissances
des plus doctes géographes sous le Roi-Soleil; l’art de la guerre, des fortifications,
de la marine, de la tactique militaire s’y trouve expliqué dans le plus grand détail;
l'ctude du costume y est des plus amusantes : on dirait les feuillets d’un journal
de modes; le théâtre nous enseignera les pièces et les noms des artistes en vogue;
l’étude des mœurs y est des plus indiscrètes.
« L’histoire telle que nous la rencontrons-là, ajoute-t-il, n’est pas toujours
exempte de préjugés politiques; ainsi l’un de ces jeux inspirés par les disciples du
père Loriquet nous montre Louis XVIII succédant directement et sans transition
à Louis XVI, mort en 1793. La satire s’y ébat joyeusement, car des protestants
français risquaient leur argent sur un jeu qui flagelle la fameuse bulle Unigenitus.
Trêve donc de sarcasmes à l’adresse des collectionneurs. »
Le baron de Vinck avait bien le droit de plaider la cause des collectionneurs,
car il est le possesseur de l’une des plus superbes collections d’estampes et autres
documents relatifs à la Révolution française. Il a donné jadis une iconographie fort
intéressante de Marie-Antoinette. Son travail sur les jeux de l’oie gardera l'intérêt
de toute étude bien faite. A l’en croire, la disparition des jeux de l’espèce serait due
à la diffusion de l’instruction, et l’auteur nous prédit leur retour.
Espérons, si cela doit être, que ce ne sera pas au prix d’un retour à l’ignorance.
Il faut donc souhaiter que la série descriptive du baron de Vinck n’ait point de
suite. Au surplus, il a bien d’autres sujets qu’il saura traiter avec une égale
compétence.
HENRI HYMANS.