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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 33.1886

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Nr. 5
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Lafenestre, Georges: Paul Baudry et son exposition posthume
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https://doi.org/10.11588/diglit.19427#0435

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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rieures. Si l’Exposition de ses peintures, cartons et dessins à l’Ecole
des beaux-arts est le commentaire, souvent admirable et toujours
instructif, du vaste poème déroulé par sa belle imagination dans
les voûtes du nouvel Opéra, de l’hôtel Païva, du château de Chantilly,
ce n’en est pourtant que le commentaire. Le juger sur ces pièces
détachées, sans avoir toujours présent à l’esprit son grand poème,
ce serait juger Victor Hugo sans se rappeler Notre-Dame et la Légende
des siècles, Ingres sans connaître Y Age dé or et Y Apothéose d’Homère,
Eugène Delacroix sans penser au Plafond d’Apollon et à la Bibliothèque
de la Chambre des députés; ce serait même pis encore, car la décoration,
dans l’œuvre de Paul Baudry, tient une place bien plus considérable
que dans celle de ses illustres prédécesseurs. Au contraire, si l’on
reste pénétré, durant sa visite, du souvenir de ses créations prin-
cipales, on trouvera dans l’examen de ces portraits, tableaux, copies,
études, croquis de toute espèce réunis par une pieuse amitié, un en-
seignement de l’attrait le plus vif et de la plus haute moralité; car
c’est là qu’éclate toute la noblesse de sa vie exemplaire, d’une vie
d’artiste laborieux et convaincu qu’aucun succès n’enivra, qu’aucune
tentation n’abaissa, qui resta, jusqu’au bout de sa trop courte car-
rière, attentif à tous les scrupules de sa conscience comme à tous
les mouvements de sa sensibilité.

Cette sensibilité d’œil, de nerfs, d’esprit et de cœur, sans laquelle
il n’est point de grand artiste, Paul Baudry la possédait à un degré
rare. Il en souffrait autant qu’il en jouissait, il la sentait, en vieillis-
sant, au lieu de s’émousser comme chez le commun des hommes,
s’affiner et s’aiguiser de plus en plus. Ce fut sa force, ce fut sa faiblesse.
On peut compter dans l’histoire les génies exceptionnels, comme
Titien, Rubens, Rembrandt, qui, doués à la fois de la faculté de
comprendre et de la faculté de créer, les surent exercer presque
constamment dans un juste équilibre. Les complications morales et
les facilités matérielles de la vie moderne, qui développent à l’excès
toutes les curiosités et tous les dilettantismes, ne nous laissent guère
l’espérance de revoir souvent des organisations si bien pondérées.
D’ordinaire, aujourd’hui, c’est chez les esprits les plus distingués que
l’équilibre se rompt le plus aisément; les médiocres, au contraire,
marchent plus droit, mais parce qu’ils regardent moins loin. Gustave
Ricard et Eugène Fromentin, sans parler de quelques vivants, nous
en furent de récents exemples. Avec une organisation plus complète,
avec un tempérament plus vigoureux, avec des ambitions plus hautes,
avec des succès plus glorieux, Paul Baudry appartient à la même
 
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