Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (2. Pér. 33.1886)

LE MOUVEMENT DES AIITS EN ALLEMAGNE.

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testable du dessin spécial de Mantegna. On trouve un point de comparaison dans
la petite Madone de Mantegna du Musée de Bergame, qui est peinte sur toile d’une
façon très légère, tandis que la Madone de Brera paraît peinte sur bois avec des
couleurs à l’huile. La ressemblance apparaît surtout dans le dessin de la bouche,
dans le nez et dans les yeux.

En ce qui concerne la provenance du tableau du Musée Brera, on a cru géné-
ralement devoir s’en rapporter à une indication de Vasari, d’après laquelle
Mantegna a peint une madone avec des anges qui chantent, pour un de ses amis,
un abhé de Fiesole. Dans la notice de la Kunstchronik, M. Frizzoni avait aussi fait
me'ntion de ce passage de Vasari; mais depuis, sur la foi de divers documents
anciens, il a changé d’opinion; c’est l’étude d’un tableau de la galerie de Berlin
qui l’a mis sur la voie. Dans le catalogue descriptif des tableaux des musées de
Berlin, fait par M. Julius Meyer en 1883, on trouve à la page 238, à. propos d’une
Vierge avec l’enfant (n° 27), cette remarque : que vers la fin du xve siècle un tableau
de madone peint en 1483 pour Éléonore d’Aragon, duchesse de Ferrare, se trouvait
dans la collection de la maison d’Este à Ferrare; ce tableau est ainsi décrit :
Q_uad.ro de legno depincto cum nostra dona et il figliuolo cum serafini. Le marquis
Giuseppe Campori de Modène, qui a trouvé cette mention dans YInventario di
guardaroba estense (a. 1493), l’a publiée pour la première fois dans son livre
intitulé Cataloghi ed inventarii inediti (Modène, 1870, Vincenzi). Que le tableau
de Mantegna ait été peint en 1483 pour Éléonore d’Aragon, c’est ce qui résulte de
l’étude des archives faite par M. Armand Baschet (Gazette des beaux-arts,
tome XX, p. 482), bien que le document en question, cité par Baschet, mentionne
brièvement un tableau d’une Madone « attorniata de alcune figure ». Cette mention
ne se rapporte pas au tableau de Berlin, comme M. Julius Meyer a pu le supposer.
M. Frizzoni est persuadé, d’accord en cela avec les connaisseurs les plus com-
pétents des Écoles italiennes, que le tableau de Berlin doit être attribué non pas
à Mantegna, mais à. Bartolomco Vivarini; de plus, la description du tableau dans
l’inventaire rapporté ci-dessus ne peut guère se rapporter à la composition du
tableau de Madone de Berlin; car dans ce tableau, non seulement les groupes de
chérubins, mais les onze petits anges sont représentés avec les instruments de
la Passion. Si l’on réfléchit d’autre part que le tableau du Musée Brera a été, à
l’époque de Napoléon Ier, transporté de l’église Santa-Maria Maggiore à Venise
dans la galerie de Milan, ainsi qu’il résulte d’une communication faite l’an
dernier par le professeur Giuseppe Mongeri dans VInstituto lombarde di Scieuze
e lettere, on en arrive à supposer qu’à l’époque des troubles politiques de Ferrare,
à la fin du xvie siècle, le tableau arriva à Venise et qu’il y fut repeint comme
nous l’avons dit. Mais le transport d’un pareil tableau de Fiesole à Venise reste
toujours une chose mystérieuse, d’autant plus que Vasari ajoute à propos de
l’œuvre qu’il mentionne : Il quadro è oggi nella libreria di quel luogo (Fiesole)
e futenuto allora e sempre poi corne cosa rara.

Enfin il faut encore remarquer que la date du tableau peint pour Ferrare, placée
dans les dix avant-dernières années du xve siècle, s’accorde bien avec le caractère du
tableau. Il faut observer toutefois que plusieurs traits durs et âpres, surtout dans
l’exécution des tètes de chérubins, semblent indiquer une époque antérieure ; on y
trouve des ressemblances frappantes avec l’exécution des tètes de jeunes anges dans
le tableau de San-Zcno à Vérone, qui doit dater de 1400. — Dans tous les cas, dit