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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 33.1886

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Nr. 5
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Pératé, André: La destruction de Rome (lettres de MM. Grimm et Grégorovius): correspondance d'Italie
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https://doi.org/10.11588/diglit.19427#0482

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CORRESPONDANCE D’ITALIE.

U1

publique, capable d’arrêter la dévastation de la ville. S’adresser aux Romains eux-
mêmes, je le répète, serait vain.

« Ils sont convaincus de la nécessité des mesures prises ; ils pensent que l’on
fait plutôt trop peu. La ville n’a-t-elle pas besoin de lumière, d’air et de voies de
communication? Ne doit-on pas préparer des logements au nombre toujours plus
considérable des habitants? Il faut nettoyer la place, et vite. Depuis mille ans, la
Rome des papes est assise sur les ruines de l’antique capitale de l’empire romain ;
les temps sont venus où la capitale de l'Ilalie refleurissante doit retrouver ici son
siège, et où doit s’accomplir cette grande transformation que les soupirs des histo-
riens sentimentaux n’empêcheront point. »

On ajoute encore que le fait d’une pareille transformation n’est pas tellement
inouï. Rome a été abattue plus d’une fois pour renaître sous une nouvelle forme ;
cette fois-ci, apparemment, c’est la forme économique qui prévaudra ; s’il fallait
respecter tous les vieux édifices, ce seraient des dépenses que l’Italie n’est pas en
état de supporter. M. Grimm trace le tableau sommaire de l’ancienne Rome, qu’il
compare à la Rome actuelle. Ce qu’on a commencé à faire aujourd’hui, c’est la
transformation de tous ces vastes espaces compris dans l’enceinte de Rome en un
quartier habité, dont les maisons peu à peu iront toucher de toutes parts les murs
d’Aurélien. On détruit et on recouvre les jardins. Le Palatin, le Forum, les ruines
les plus importantes sont écrasées par les maisons qui les enveloppent; on coupe
les maisons, les palais et les églises pour jeter au travers de la ville un réseau de
voies commodes et larges. C’était assurément à prévoir lorsqu’en mai 1882 fut
dressé et approuvé le plan régulateur qui devait faire de la vieille Rome une partie
utile de la Rome nouvelle, et de toutes deux ensemble la capitale du royaume. On
a bien observé que les nouveaux quartiers, avec leurs rues si larges et si droites,
les murs si légers de leurs bâtisses, étaient peu d’accord avec les exigences du
climat romain; mais cela est l’affaire des Romains eux-mêmes; ce qu’on appelle
la destruction de Rome est autre chose.

Rome est la ville mère du monde civilisé. « Voilà pourquoi les Romains n’ont
pas seuls le droit de revendiquer ce qui leur est dù ; voilà pourquoi les Italiens, en
faisant de Rome leur capitale, ne doivent pas seulement écouter les catholiques de
tous les pays, mais aussi les protestants et tous ceux qui savent apprécier le déve-
loppement de l’humanité et voir dans ses monuments des symboles dont chacun
a le droit d’exiger la conservation. On pourrait demander ce que ces masses de
pierres immobiles, quelle que soit leur beauté, ont à faire avec le bien de l’huma-
nité. Beaucoup. Des lieux où ont vécu de grands hommes, d’où sont parties de
grandes pensées ont quelque chose de sacré. Si un tremblement de terre abattait
aujourd’hui le Vatican et la basilique de Saint-Pierre, ce serait une perte irrépa-
rable pour l’humanité, parce que, morts et stériles en apparence, ce sont des ter-
rains où germe la pensée féconde.

« Ce palais et cette basilique s’élevaient jusqu’ici dans la solitude, en dehors
de la ville. Or, que fait-on aujourd’hui? Sur les prairies qui entourent Rome au
nord, des rues nouvelles sont tracées jusqu’au bord des jardins du Vatican. On
voit s’élever des séries de maisons colossales sans aucune architecture, destinées
à loger principalement du monde, et, au milieu d’elles, les casernes immenses des
carabiniers.

« Les habitants du Vatican actuel ne me regardent pas, ajoute M. Grimm. Je
 
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