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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 33.1886

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Nr. 6
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Lostalot, Alfred de: Salon de 1886, 1, La peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.19427#0495

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434

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tendre la perche : le public assiste froidement à la noyade; cette
monotonie persistante de nos Salons annuels l’a rendu sceptique et
indifférent.

Il y a cependant à signaler quelques velléités de protestation
muette parmi les visiteurs du Salon, et ce peut être un progrès dans
la direction du goût. Devenue monnaie courante de la peinture
contemporaine, la virtuosité pure a cessé d’être une attraction ; on
en revient petit à petit aux talents corrects qui dénotent des artistes
instruits et de belles manières. La génération ancienne des acadé-
miques et les jeunes gens qui suivent pieusement leurs exemples
reprennent sensiblement dans l’estime du public le rang honorable
qu’ils y tenaient autrefois et qui, en réalité, leur est dû. On s’aperçoit
qu’une éducation solide, si incapable qu’elle soit d’enfanter des
chefs-d’œuvre, est moins stérile encore que l’ignorance appuyée
sur quelques dons naturels. Beaucoup ont fait cette singulière dé-
couverte que, à l’user, on se fatigue moins d’une œuvre oû sont
sagement écrites quelques vérités primordiales de l’art que d’un
ouvrage de primesaut portant en soi cette beauté du diable dont les
peintures jeunes et inexpérimentées ont presque seules le privilège.
La première, accueillie sans enthousiasme, parvient à se faire aimer
à la longue; on l’a vue tout de suite avec ses qualités et ses défauts;
il n’y a pas de désenchantement du lendemain. Le sourire de l’au-
tre, au contraire, 11e tarde pas à devenir agaçant; on la sent pré-
tentieuse, ignorante et bête : le désir vous prend de la renvoyer à
l’école.

Une des causes les plus certaines de la fatigue que l’on ressent
au Salon, c’est la pénurie d’invention qu’on y constate chez les
peintres. Le succès est-il venu, d’aventure, frapper à une porte, 011 est
certain que l’année suivante, nombre d’artistes seront allés loger à la
même enseigne. Bon ou mauvais, un tableau qui a fait sensation est
reproduit par des imitateurs empressés. Toutes ces redites, nécessai-
rement affaiblies, déconsidèrent à la fois l’œuvre originelle et l’insti-
tution des expositions annuelles.

Timide, discret et bien élevé, tel est en peu de mots le signalement
du Salon de 1886. A peine pourrait-on lui reprocher quelques écarts
de jeunesse, et encore n’y sent-on aucun abandon réel ; ce sont des
folies voulues. Le compte en est facile à établir : nous avons relevé
trois ou quatre toiles pour rire et autant de plaisanteries froidement
méditées dont le public ne daigne ni s’amuser ni se fâcher, ce qui gâte
singulièrement le plaisir des auteurs.
 
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