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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 22.1899

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Buisson, Jules: Pierre Puvis de Chavannes, 1: souvenirs intimes
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https://doi.org/10.11588/diglit.24686#0018

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Pierre Pu vis de Chavannes a eu de bonne heure une haute con-
versation avec lui-même. Il était, je ne crains pas de le répéter, un
« Latin de Lyon », par le sang maternel, bien que la molécule
paternelle le rattachât à la Bourgogne. Sa peinture et sa littérature
se trouvèrent merveilleusment d’accord dès le début. Il était aussi
un aristocrate, aristocrate non pas de race, car le nom de Chavannes
ou de la Chavanne., indifféremment porté par diverses branches de
la famille, leur venait d’un petit domaine dans la banlieue de Lyon,
possédé à l’origine par un auteur commun, mais aristocrate d’édu-
cation, aristocrate d'humanités. Ne croyez pas que, pour être un aris-
tocrate d’humanités, il faille mériter le titre d’humaniste, dans la
rigueur du terme. Mon camarade contait volontiers que, sans
l’orthopédie savante de l’un de ses voisins à l’examen du bacca-
lauréat, il eût été refusé pour sa version. Cela n’empêcha pas, la
suite l’a prouvé, qu’il ne sortit du lycée plus imbibé d’Homère et
do Virgile que ceux de ses condisciples qui étaient en mesure
d’entrer à l'Ecole normale.

Puvis était encore plus un aristocrate de vocation, de prédesti-
nation, qu’un aristocrate d’humanités. L’aristocratie est partout dans
la nature, l’égalité n’y est pas. Comment ne serait-il pas aristocrate,
celui quia reçu gratuitement le don esthétique à l’état efficace, si
rare chez les individus, si rare dans les races, ayant en lui le témoi-
gnage vivant de son privilège ?

Il ne fit que passer dans l’atelier de Couture. Dans le crépuscule
de sa vocation, il y fut attiré par les ravissants morceaux de cou-
leur que l’artiste avait semés autour de lui — le Fauconnier, beau-
coup de Nymphes et de Satyres, le rayonnant adolescent de Y Orgie
romaine, pris de vin et de soleil et de sommeil au second plan... —
comme les enfants sont attirés la nuit, dans les contes de fée, par
les feux follets. Couture était un coloriste, un dessinateur superficiel,
— ses portraits manquent de pénétration typique, — mais c’était
aussi un esprit grossier et banal. Je n’ose pas dire comment le
caractérisait Préault1. Il avait des sortes de vues animales sur la
peinture, parfois très justes au point de vue technique, mais on
frémit à la pensée du dommage qu’un long contact avec un tel
maître aurait pu causer à un tel élève. Heureusement, ce contact fut
passager. Couture, d’ailleurs, ne dura pas. Il s’épuisa d’un seul coup
dans son Orgie romaine, qu’il prit et qu’on prit pour une œuvre,
sans s’apercevoir qu’elle n’était qu’un ramassis de plagiats dont
J. Gf. Théophile Sylvestre sur Préault.
 
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