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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 22.1899

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Nr. 3
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Buisson, Jules: Pierre Puvis de Chavannes, 2: souvenirs intimes
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https://doi.org/10.11588/diglit.24686#0224

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210

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

C’était le plus beau front qui fût sous le ciel, la plus belle chevelure,
mais la bouche la plus charnelle du siècle. Dans son beau portrait
du poète blanchi et chargé d’ans, Bonnat a manifesté, avec sa clair-
voyance habituelle, l’implacable virilité de ce mâle extraordinaire.
On la sent acharnée à le poursuivre jusque dans l’extrême vieil-
lesse. C’est comme un autre baron Hulot, sous la griffe d’un autre
Balzac. Veuillot, qui voyait clair et cru dans les révoltes de la chair,
avait fait du poète un autre portrait, de ressemblance au moins égale,
en disant des chansons des rues et des bois, « que c’était le plus bel
animal de la langue française ».

Puvis, sans rien changer à l’expression de puissance physique
qui reste jusqu’à la fin le caractère dominant du masque de Victor
Hugo, a su l'illuminer d’un sourire éternel et de la sérénité d’Homère.
Il a fait accepter à ses contemporains un Victor Hugo élyséen, vêtu
d’azur, offrant du bout des doigts une lyre énorme à la Ville de Paris,
dans un monde où les choses ne pèsent plus.

Il faut bien du talent pour avoir peint les deux portraits de
Puvis et de Victor Hugo ; il faut du génie pour avoir peint le
Victor Hugo de l’Hôtel-de-Ville, et le profil du musée de Florence.
Ce sont des images pour le mur. Oui, je ne crains pas de le répé-
ter, s’il manque à cette peinture du mur la satisfaction quasi
sensuelle que procure la peinture de chevalet, mâchée par un
maître peintre avec des dents d’ivoire, elle fait penser plus haut et
nous donne la chiquenaude de YExcelsior!

Quoi, dira-t-on, ces deux fantômes, ces deux apparitions à côté
des deux vigoureux portraits sculptés au pinceau ! Qu’est-ce donc
autre chose que l'Idéal si non l’apparition de la beauté spéciale
inhérente à chaque objet, apparition rapide afin qu’il en reste pour
demain ?

Les portraits sont plus ressemblants pour les contemporains ;
réduites au type, c’est-à-dire à ce qu’il y a en elles d'immortel, les
peintures murales seront plus ressemblantes pour la postérité.

Les peintures de l’Hôtel-de-Ville offrent cet intérêt particulier
de contenir du Puvis primitif, des femmes ailées, espèces de tubes
de bronze, tels qu’on a pu en déterrer dans les fouilles de Délos
ou d’ülympie, et du Puvis mûri, complété, achevé par l’étude et
l’expérience. Sa figure du Dévouement est un modèle de discrétion
dans la force, qui manifeste, sans exagérations de musculatures,
toute la puissance dynamique qui est dans l’être humain bien
proportionné.
 
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