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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 1
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Bénédite, Léonce: J.-J. Henner, 5: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0059

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J.-J. HENNER

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haut, devient verdâtre et vaporeux vers le bas; pas l’ombre d’un
nuage! » — Une autre fois, il s’arrête d’écrire sur l’impression que
lui laisse le clair de lune : « 11 y a un clair de lune superbe, ce
soir. Pour me coucher, je suis obligé de tirer mes rideaux..., car
elle me donne en plein sur la figure. J’entends sonner de tous les
côtés. J’aime beaucoup cela. » Ou bien encore : « Le ciel est admi-
rable, les montagnes, tout cela est à se mettre à genoux , ou plutôt
à prendre sa palette et à ne faire que cela. » Et, il conclut par cette
déclaration qui marque la pensée dont il est hanté : « 11 faut abso-
lument que je fasse un grand paysage! » Et en effet, il est pris de
véritables velléités de paysagiste. Il ne rêve que de peindre de vrais
paysages : lauriers sombres, cyprès aigus, silhouettes majestueuses
des montagnes « éblouissantes », terrains rocheux, ruines augustes,
vieux ponts de pierre enjambant les ruisseaux torrentueux. Tous
ces accords charmants ou ces solennelles harmonies, il aurait
l’ambition de les fixer isolément pour eux-mêmes, ou tout au moins
d’en faire l’accompagnement de ses prochains tableaux d’ « his-
toire ». Dans les premiers temps surtout, alors qu’il est encore dans
toute l’activité ardente de l’arrivée, dans toute la nouveauté de ses
sensations, il prend sa palette et peint, sans même qu’il ait besoin
de sortir, le spectacle proche ou lointain encadré par sa fenêtre,
spectacle qui lui paraît tous les jours nouveau et qui est, en effet,
toujours renouvelé par la magie de la lumière. Bientôt, soit senti-
ment d’impuissance, soit effet de la griserie endormante de cet
Eden ou des préoccupations graves qui l’assaillent sur sa direction
et sur sa technique, il renonce âmes exercices indépendants, mais il
est loin de se désintéresser du paysage et, tout au contraire, à partir
de ce jour, à de très rares exceptions près, il établira toujours ses
personnages en plein air.

Il continue à noter et à observer, et confie plus volontiers à sa
plume, qui n’est pas pour lui un instrument embarrassant d’artiste,
l’analyse des sensations d’une suavité infinie qu’il voudrait faire
partager à son maître ou dont il voudrait se réserver soigneusement
le mirage pour les jours gris de l’avenir. Certaines des pages de ses
lettres ou des feuillets de son Journal sont écrites avec une sensi-
bilité si émue, un accent si communicatif, que je ne puis résister
au désir d’en détacher quelques menus fragments.

« Aujourd’hui », écrit-il le 9 novembre 1859, « aujourd’hui le soleil
se lève radieux. Pas un nuage. Les montagnes, dans le fond, sont
d’un vert violacé, magnifique. Le ciel est chaud, très doré vers le
 
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