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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Ritter, William: Correspondance de Munich: William Ritter
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0089

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CORRESPONDANCE DE MUNICH

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même dans les ciels, uniformément gris de pigeon et noir ardoise, sinon qu'ici
des jeunes femmes se baignent et que là les neigeuses blancheurs de Pierrot et
la robe jaunâtre de Colombine s’ébattent au milieu d’une cérémonie grotesque
digne de celle du Mamamouchi dans le Bourgeois gentilhomme. Baignade et carnaval,
littoral et charmilles se partagent les mêmes teintes plates cernées de contours
dilués à deux degrés, procédé achromatique très heureux, qui fait « tourner » même
les surfaces sans modelé, et qui est pris à l’illustration des Skaskis du Russe Bili-
bine. Le grand Pierrot qui gambade est inoubliable. Sa raison d’être est simple-
ment de créer un équilibre d'opposition au nègre fastueux, qui contemple les
femmes dans la vague avec une sévérité d’eunuque nubien, tandis que les muphtis
jaunâtres, qui veulent être deux Rois Mages, et le nègre au drap vert, qui joue
le troisième, en créent inversement un aux claires baigneuses. Les quatre pan-
neaux sont cintrés, mais non d’égale largeur. L’Été et Y Hiver accouplés occupent
le fond de la salle. L’Automne à droite du spectateur, le Printemps à gauche se
font vis-à-vis et sont disposés en cortège : le Printemps sur son énorme cheval
blanc chasse l'Hiver ; ses sveltes suivants, aux lignes flexibles et aux tons jeunes de
vernales baguettes de coudrier, repoussent de leurs piques dédaigneuses et de leurs
quolibets le Fafnir et le Fasolt charbonniers et vêtus de peaux de bêtes, qui bran-
dissent la torche et se retirent maugréants. Le char triomphal, enguirlandé de col-
chiques, où se dresse l’imposante ligure assyro-druidique de l’Automne se meut
lentement dans la direction de l’Hiver carnavalesque, où cependant les blancheurs
muettes créent une impression de silence contradictoire à la vie des lignes. L’en-
semble est d’une merveilleuse tenue décorative, d’un imprévu qui déconcerte au
premier abord, d’un coloris auquel on s’habitue et qui finit par paraître délicieux.
Au premier moment, lorsque l’on est projeté des salles de tout repos oii les paysa-
gistes écossais somnolent, vieillis par l’uniformité de leurs cadres de bazar, dans
la chapelle blanche, cintrée, où vous attend la jeunesse de ces fantaisies énergu-
mènes, le choc est tel que l’on crie au cauchemar. Puis on en revient et surtout on
y revient; on ne revient même que là.

Les rapports entre la peinture et la musique ont été jusqu’ici fort mal étu-
diés. Pourquoi Beethoven fait-il indiscutablement la paire avec Michel-Ange
dans nos imaginations? Pourquoi Brahms est-il inséparable de Ivlinger, quand
même ils n’auraient point proclamé eux-mêmes, avec le retentissement que l'on
sait, leur solidarité ? Fritz Erler a fait le meilleur portrait qui existe de Mahler :
il n’a rien, il est vrai, de sa profondeur sous les débauches savantes et les excen-
tricités subtiles de l’orchestration. Mais ces innovations orchestrales certaine-
ment ont agi sur les innovations de son coloris. Ce sont là sensibilités jumelles ;
il est bien dommage pour M. Erler que sa pensée et son âme ne le soient pas
aussi de celles du compositeur autrichien. Quoi qu’il en soit de l’œuvre du peintre
comme de celle du musicien, voici les produits caractérisés, les produits parallèles
et typiques, de l’influence de Nietzsche sur l’art allemand moderne; les tentatives
les plus passionnées par lesquelles on se soit encore acharné à la conquête de
cet art à la fois joyeux et méchant, promis aux grands fauves de l’humanité de
demain.

C’est un point vraiment curieux à étudier ici, et celui-là même auquel Bru-
netière attachait une si grande importance dans ses classifications littéraires, que
cette influence des unes sur les autres, et non pas seulement dans le domaine
 
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