168
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
aussi qu’on s’y arrête. Elle est en argent, dorée par places et ornée de filigranes
dont le dessin se joue autour des perles, des saphirs, des topazes et des amé-
thystes qui l’embellissent et concourent à lui donner un aspect de grande richesse.
La petite croix inscrite dans Taxe de la branche inférieure recouvre un reliquaire
s’ouvrant au moyen d’une légère clé suspendue à une chaînette. Le revers de la
croix, — niellé sur toute la surface, et d’un très beau dessin, représente, sur la
partie inférieure, Jésus-Christ dans la pose du crucifiement, tandis que Dieu le
Père se tient au centre de la branche supérieure. Cette remarquable pièce
d’orfèvrerie montre à quelle perfection technique et décorative l’art de ce temps
pouvait atteindre.
L'église Sainte-Croix de Liège avait contribué à celte exposition par quelques
pièces d’une grande valeur, dont un reliquaire à panneaux formant triptyque, en
ébène orné de cuivre doré et d’émaux. L’arc en plein cintre en est la principale
ligne, et cet exemple nous montre tout le parti que les artistes rhénans
surent en tirer. L’emploi des gemmes y est discret; par contre les figures y sont
nombreuses et en constituent le principal intérêt. Le tympan, en forme de demi-
cercle, du sommet contient une figure du Christ à mi-corps dont la tête ainsi
que l’auréole sont engagées dans l’archivolte. Les initiales I H C et X P C, inscrites
de chaque côté du visage, sont ornées d’émail. Chacune des deux archivoltes du
panneau central abrite un ange, tenant en main l’éponge du crucifiement au bout
de la pique; les autres attributs sont dispersés dans le reste du panneau, ainsi que
quelques lettres qui forment les mots VERITAS-JUDICIUM. La base médiane des
deux arcs est séparée par une petite plaque d’émail dont le dessin figure la
Miséricorde. Le gros cabochon de cristal placé sous la croix abritait les reli-
ques de saint Vincent et de saint Jean-Baptiste. Les vantaux contiennent chacun
trois rangs d’Apôtres groupés par deux. Les visages expressifs des personnages
méritent qu’on s’y arrête. L’expression nettement distincte de chacun témoigne
d’un grand effort vers un art plus individuel, plus réaliste que ne l’avaient conçu
les époques précédentes. L’ordonnance générale et le choix des frises, qui sont
d’une extrême finesse, permettent de placer cette pièce dans la première moitié
du xnc siècle.
De Maestricht encore provenait un reliquaire en argent et émail cloisonné que
l’on peut considérer sans crainte comme un travail grec. Mais il est difficile de
dire s’il est l’œuvre d’un des artisans immigrés, ou bien si sa présence au bord
du Rhin date de l’arrivée de Théophano, épouse d’Otlion II. La pose des mains
delà Vierge, l’expression de ses yeux et l’ensemble de l’attitude sont d’une beauté
et d’un charme que les images de cette époque n’atteignent pas souvent. C’est un
remarquable exemple d’émaillerie, et l’on aura idée de la finesse du travail quand
on saura que la plaque n’excède pas 9 centimètres de hauteur.
C’est aussi à l’émaillerie que l’autel portatif prêté par l’église abbatiale de
Gladbacli près Munich doit sa beauté. Ces meubles liturgiques, construits en
forme de coffre rectangulaire allongé, sont très nombreux en Allemagne. Les
parois représentent les Apôtres et les Prophètes. Les émaux, d'un bleu mauve
foncé très soutenu alternent avec l’or; ils sont d’un très puissant effet et donnent
une haute idée du savoir des émailleurs rhénans. La pierre d’autel est en « vercle
antico », qui semble être de la malachite. La terminaison des quatre pieds em-
prunte son motif à quelque faune fabuleuse.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
aussi qu’on s’y arrête. Elle est en argent, dorée par places et ornée de filigranes
dont le dessin se joue autour des perles, des saphirs, des topazes et des amé-
thystes qui l’embellissent et concourent à lui donner un aspect de grande richesse.
La petite croix inscrite dans Taxe de la branche inférieure recouvre un reliquaire
s’ouvrant au moyen d’une légère clé suspendue à une chaînette. Le revers de la
croix, — niellé sur toute la surface, et d’un très beau dessin, représente, sur la
partie inférieure, Jésus-Christ dans la pose du crucifiement, tandis que Dieu le
Père se tient au centre de la branche supérieure. Cette remarquable pièce
d’orfèvrerie montre à quelle perfection technique et décorative l’art de ce temps
pouvait atteindre.
L'église Sainte-Croix de Liège avait contribué à celte exposition par quelques
pièces d’une grande valeur, dont un reliquaire à panneaux formant triptyque, en
ébène orné de cuivre doré et d’émaux. L’arc en plein cintre en est la principale
ligne, et cet exemple nous montre tout le parti que les artistes rhénans
surent en tirer. L’emploi des gemmes y est discret; par contre les figures y sont
nombreuses et en constituent le principal intérêt. Le tympan, en forme de demi-
cercle, du sommet contient une figure du Christ à mi-corps dont la tête ainsi
que l’auréole sont engagées dans l’archivolte. Les initiales I H C et X P C, inscrites
de chaque côté du visage, sont ornées d’émail. Chacune des deux archivoltes du
panneau central abrite un ange, tenant en main l’éponge du crucifiement au bout
de la pique; les autres attributs sont dispersés dans le reste du panneau, ainsi que
quelques lettres qui forment les mots VERITAS-JUDICIUM. La base médiane des
deux arcs est séparée par une petite plaque d’émail dont le dessin figure la
Miséricorde. Le gros cabochon de cristal placé sous la croix abritait les reli-
ques de saint Vincent et de saint Jean-Baptiste. Les vantaux contiennent chacun
trois rangs d’Apôtres groupés par deux. Les visages expressifs des personnages
méritent qu’on s’y arrête. L’expression nettement distincte de chacun témoigne
d’un grand effort vers un art plus individuel, plus réaliste que ne l’avaient conçu
les époques précédentes. L’ordonnance générale et le choix des frises, qui sont
d’une extrême finesse, permettent de placer cette pièce dans la première moitié
du xnc siècle.
De Maestricht encore provenait un reliquaire en argent et émail cloisonné que
l’on peut considérer sans crainte comme un travail grec. Mais il est difficile de
dire s’il est l’œuvre d’un des artisans immigrés, ou bien si sa présence au bord
du Rhin date de l’arrivée de Théophano, épouse d’Otlion II. La pose des mains
delà Vierge, l’expression de ses yeux et l’ensemble de l’attitude sont d’une beauté
et d’un charme que les images de cette époque n’atteignent pas souvent. C’est un
remarquable exemple d’émaillerie, et l’on aura idée de la finesse du travail quand
on saura que la plaque n’excède pas 9 centimètres de hauteur.
C’est aussi à l’émaillerie que l’autel portatif prêté par l’église abbatiale de
Gladbacli près Munich doit sa beauté. Ces meubles liturgiques, construits en
forme de coffre rectangulaire allongé, sont très nombreux en Allemagne. Les
parois représentent les Apôtres et les Prophètes. Les émaux, d'un bleu mauve
foncé très soutenu alternent avec l’or; ils sont d’un très puissant effet et donnent
une haute idée du savoir des émailleurs rhénans. La pierre d’autel est en « vercle
antico », qui semble être de la malachite. La terminaison des quatre pieds em-
prunte son motif à quelque faune fabuleuse.