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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 3
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Bénédite, Léonce: J.-J. Henner, [6]: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0279

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J.-J. HENNER

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do Colmar étudiée avec amour et qu’il se propose encore de reprendre
de profil.

Mais il faut penser aux « envois ». C’est là le point noir de cette
existence que Hcnner trouve paradisiaque. 11 faut penser aux envois,
parce qu’ils sont la rançon de ce bien-être, qu’ils représentent le
devoir, que c’est sur eux que le jeune pensionnaire sera jugé, qu’on
constatera ses progrès, qu’on augurera de son avenir. C’est sur eux
donc que doit porter tout son effort, sur eux qu’il doit concentrer
toutes ses facultés et résumer tout ce qu’il a acquis.

Henner n’était pas homme à ne pas prendre ces engagements
au sérieux. Mais quelle répugnance il éprouve à continuer ce rôle
d’écolier, à entrer dans ces données scolaires propres à refréner
tout élan d’imagination dans l’esprit d’un jeune artiste! Comment!
vous le jetez au milieu des plus belles réalités du monde, vous lui
donnez en exemple les maîtres qui en ont compris le plus amou-
reusement la grandeur et le charme, et, sous le coup de cette griserie
de couleurs et de formes, vous le contraignez à s’appliquer avec
ennui sur de moroses et froids pensums! « Je suis toujours bien
découragé; c’est effrayant ce que je souffre », écrit-il en faisant
allusion aux tourments que lui causent ses travaux... « Et ces diables
d’envois qu’on a à faire à époque lixe et dans des conditions pres-
crites et dans de si singulières circonstances : c’est-à-dire envoyer
à Paris où tout le monde, journalistes, anciens camarades jaloux,
enfin tous ceux qui n’ont pu arriver à avoir le prix, sont prêts à vous
tomber dessus. C’est pour moi, pendant toute l’année, une épée de
Damoclès au-dessus de ma tête1. » C’est pour lui un tel souci, que
lorsqu’il envisage — on sait avec quelle profonde mélancolie —
l’éventualité de son départ prochain de la Villa, ce qui s’offre à lui
comme consolation, « c’est de quitter un peu cette vie d’artiste
soumis à un règlement pour ses travaux. C’est une perte de temps
et un tourment perpétuel. »

En effet, il entame tour à tour, pour les abandonner ensuite,
toutes sortes de sujets qui conviennent aussi peu que possible à sa
nature, mais qu’il croit devoir répondre aux exigences de l’Acadé-
mie. C’est un Christ mort entouré des Saintes Femmes; ce Christ en
prison, le seul exécuté jusqu’au bout, qui lui a donné tant de préoc-
cupations et d’ennuis ; un tableau de deux figures représentant « une
mère qui supplie sa fille en prison de renoncer à ses idées de chré-

1. 7 février 1862.
 
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