Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 39.1908)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

nom, dans un album de cette année. Mais la vérité est vue, cette
fois, de plus haut, elle perd tout accent particulier. La forme est
vivante, mais nous oublions le modèle, et nous ne pensons qu’à la
femme. Le même goût sûr qui a présidé aux premiers croquis
a guidé le maître dans le dessin jeune et distingué de ce beau corps.
Elle se penche à droite, le corps légèrement incliné, la jambe gauche
sur le banc de marbre, dans le geste de sortir de l’eau; à droite, une
draperie jaune est posée sur le marbre. Derrière elle, une autre
draperie blanche traîne jusque dans l’eau, posée à côté d’une gar-
goulette de terre noire et d’un bouquet de pavots et de volubilis. En
arrière, les deux têtes de vieillards cachées dans l’ombre des lauriers
qui se groupent en masse confuse sous le ciel pâle et rosé du soir.

Les chairs sont d’une matière grasse, épaisse et glacée, dans cette
belle unité de ton qu’il a tant poursuivie, à peine un peu plus rosée
au-dessous des seins et des hanches. Le jaune magnifique de la
grande draperie, le gris froid de la pierre humide, le blanc de
l’autre voile, tout cela se combine savamment pour mettre en valeur
la splendeur délicate de la chair.

Henner a assimilé désormais ses maîtres do prédilection. On les
sent encore indistinctement à travers sa personnalité bien dégagée,
comme on sent le souvenir de Titien et de l’allégorie de Y Amour
dans cette Fortune de Baudry qui, au Luxembourg, lui sert de
glorieux pendant. Ces traces de noble parenté ne sont point, d’ail-
leurs, sans quelque grâce. Elles affirment la légitimité de la descen-
dance. Mais Henner est arrivé, cette fois, à la pleine possession de
lui-même. 11 avait quitté Rome comme il avait rêvé d’en partir, en
artiste accompli qui a trouvé son étoile, et qui n’a plus qu’à suivre
droit son chemin.

LÉONCE B É N É DIT E

(La suite prochainement.)

Le Gérant : P. Girardot

paris.

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