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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
s’ajoutent nombre de planches qui sont, en entier, de la main de
Lepère; les jurys officiels lui firent honneur de ses images du Soir,
par Jules Breton, de la Noce chez le photographe et de VAccident,
par Dagnan-Bouveret; combien il importe davantage d'arriver aux
versions données d’après Daniel Vierge et Edmond Morin, lesquels
exercèrent sur l’artiste un ascendant décisif!
Celui-là attirait Lepère par l’entrain, la belle humeur, par la
fantaisie de l’observation prime-sautièrc, pas un sens affiné et très
spécial de l’existence parisienne montrée dans la joie passagère de
ses physionomies variées. D’autre part, un souffle d’une grandeur
épique anime toutes les fictions de Vierge, et la puissance surhumaine
du maître espagnol, son amour passionné de la vie, de la nature,
du mouvement aggravaient salutairement la frivolité un peu jolie
dont témoigne l’art du second Empire et d’Edmond Morin. Des consi-
dérations de métier viennent certifier le bien fondé de la double pré-
férence : Auguste Lepère goûtera chez Morin la verve graphique, le
piquant du croquis alerte et l'aptitude à faire jouer le blanc du
papier; avec Vierge, doué de la plus extraordinaire mémoire des
formes et des valeurs, l’identité de vues est plus complète encore :
Vierge ne subit pas la photographie, il la domine; il ne transcrit
pas la réalité, il l’interprète; s’il vise à l’effet, il ne perd jamais de
vue l’ensemble; s’il recherche la couleur, il ne lui sacrifie jamais le
dessin,— et ce dessin, établi avec des tons simples, énergiques, serti
d’une large bordure est si bien compris en vue du bois, que la gra-
vure, loin de diminuer l’intérêt des compositions, l’exalte et leur
assure le prestige d’une plus définitive beauté1...
Tout bien réfléchi, la dévotion de Lepère à Vierge et à Morin s’ex-
plique parce qu'il retrouve en eux de lui-même; il leur demeure
inféodé dans la limite où ils l’aident à achever de se découvrir.
On ne s’étonnera donc pas de la signification qu’acquiert, à l’égard
de l’historien, la suite importante qu’inspirèrent ces deux maîtres2 :
1. Tl arrive à Vierge — sans y être préparé par aucun apprentissage préalable
— de graver certaine partie de ses ouvrages ou de retoucher la gravure qui en
a été faite.
2. Parmi celles de leurs compositions que Louis-Auguste Lepère a gravées
sont à retenir :
D’Edmond Morin: L’Absinthe, Le Dernier bal travesti chez la 'princesse de Sagan,
La Bière, Le Cidre (1880), La Chasse est fermée, En chasse, L’Électricité (1881),
L’Ouverture de la pêche, Le Bain des chevaux ci la berge du quai d’Orsay, Le
Bain des chiens au Bont-Neuf (1882).
De Vierge : Les Brigands en Espagne, Le Dimanche de Rameaux en Espagne, Une
fête à Rome aù siècle d’Auguste, La Naissance de l'Infante d’Espagne, Un baptême
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
s’ajoutent nombre de planches qui sont, en entier, de la main de
Lepère; les jurys officiels lui firent honneur de ses images du Soir,
par Jules Breton, de la Noce chez le photographe et de VAccident,
par Dagnan-Bouveret; combien il importe davantage d'arriver aux
versions données d’après Daniel Vierge et Edmond Morin, lesquels
exercèrent sur l’artiste un ascendant décisif!
Celui-là attirait Lepère par l’entrain, la belle humeur, par la
fantaisie de l’observation prime-sautièrc, pas un sens affiné et très
spécial de l’existence parisienne montrée dans la joie passagère de
ses physionomies variées. D’autre part, un souffle d’une grandeur
épique anime toutes les fictions de Vierge, et la puissance surhumaine
du maître espagnol, son amour passionné de la vie, de la nature,
du mouvement aggravaient salutairement la frivolité un peu jolie
dont témoigne l’art du second Empire et d’Edmond Morin. Des consi-
dérations de métier viennent certifier le bien fondé de la double pré-
férence : Auguste Lepère goûtera chez Morin la verve graphique, le
piquant du croquis alerte et l'aptitude à faire jouer le blanc du
papier; avec Vierge, doué de la plus extraordinaire mémoire des
formes et des valeurs, l’identité de vues est plus complète encore :
Vierge ne subit pas la photographie, il la domine; il ne transcrit
pas la réalité, il l’interprète; s’il vise à l’effet, il ne perd jamais de
vue l’ensemble; s’il recherche la couleur, il ne lui sacrifie jamais le
dessin,— et ce dessin, établi avec des tons simples, énergiques, serti
d’une large bordure est si bien compris en vue du bois, que la gra-
vure, loin de diminuer l’intérêt des compositions, l’exalte et leur
assure le prestige d’une plus définitive beauté1...
Tout bien réfléchi, la dévotion de Lepère à Vierge et à Morin s’ex-
plique parce qu'il retrouve en eux de lui-même; il leur demeure
inféodé dans la limite où ils l’aident à achever de se découvrir.
On ne s’étonnera donc pas de la signification qu’acquiert, à l’égard
de l’historien, la suite importante qu’inspirèrent ces deux maîtres2 :
1. Tl arrive à Vierge — sans y être préparé par aucun apprentissage préalable
— de graver certaine partie de ses ouvrages ou de retoucher la gravure qui en
a été faite.
2. Parmi celles de leurs compositions que Louis-Auguste Lepère a gravées
sont à retenir :
D’Edmond Morin: L’Absinthe, Le Dernier bal travesti chez la 'princesse de Sagan,
La Bière, Le Cidre (1880), La Chasse est fermée, En chasse, L’Électricité (1881),
L’Ouverture de la pêche, Le Bain des chevaux ci la berge du quai d’Orsay, Le
Bain des chiens au Bont-Neuf (1882).
De Vierge : Les Brigands en Espagne, Le Dimanche de Rameaux en Espagne, Une
fête à Rome aù siècle d’Auguste, La Naissance de l'Infante d’Espagne, Un baptême