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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 40.1908

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Nr. 1
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Beaunier, André: Les salons de 1908, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24867#0056

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J 6

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

se réalise, il faut une idée vigoureuse, qui réunisse le détail, le coor-
donne, le lie. Eh bien! si le sculpteur consacre son zèle à un faux
grand homme, l’idée digne de l’œuvre ne lui sera pas fournie par le
sujet; et, si excellemment doué qu’on le suppose, il ne fera qu’une
statuette démesurée.

Voilà l’une des raisons à cause desquelles il est si fâcheux que,
de nos jours on multiplie effrontément les monuments et les statues.
Aucune époque n’aurait eu assez de héros pour alimenter un tel
besoin de glorification; et la nôtre pourrait être modeste, en parti-
culier. Du reste, monuments et statues qui, cette année, encombrent
de gloire variée, et souvent imparfaite, la galerie immense du
Grand-Palais, pèchent par d’autres défauts, bien d’autres!

Mon lecteur s’est-il promené dans le Campo Santo de Gênes?
Excursion charmante ; mais, pourtant, on souffre de ne pouvoir, en
ce lieu saint, se tenir de rire. Il y a là une statuaire qui ne permet
pas au visiteur d’éprouver la plus petite mélancolie et de sentir
qu’il est dans un cimetière. Sur les tombes ou autour d’elles, on
voit des messieurs et des dames, de jeunes hommes et des fillettes,
en marbre, qui donnent tous les signes de la désolation, qui pleurent,

— et on voit des larmes de marbre ménagées dans le marbre des
joues ; — qui mordent leurs moustaches, — et vous compteriez les poils
de ces moustaches; — qui se cachent les yeux dans leurs mouchoirs,

— et ces mouchoirs de marbre sont, en général, brodés finement,
ourlés, ornés de dentelles, marqués du chiffre de qui les utilisa. Un
certain Moreno est l’auteur du plus grand nombre de ces statues.
Et il n’a pas son pareil pour imiter dans le marbre le grain d’une
étoffe, la ligne pointiliée d'une couture, l’effilochure d’un lainage
qui a servi longtemps, la soutache, la guipure, la fourrure, le crêpe
et, en somme, tous les tissus dont s’habillent nos contemporains;
les chapeaux de feutre et leur supplément décoratif de rubans et
de ganses; les pantalons d’hommes, élargis aux genoux, fatigués
vers le bas; les bottines, avec leurs boutons, leurs lacets ou leurs
élastiques, leurs semelles et leurs talons plus ou moins éprouvés.

L’art, si j’ose m’exprimer ainsi, l’art dérisoire du Campo Santo
de Gênes est abondamment représenté au Salon des Artistes fran-
çais. Nous en sommes là!...

M. Jean Boucher, par exemple, expose un Monument de Trarieux,
qui n’est pas encore achevé, puisque le buste de M. Trarieux
y manque, mais où déjà les personnages ont évidemment leurs
chaussures définitives. A droite du piédestal, il y a un maréchal fer-
 
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