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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
chitecte-sculpteur Guillem Sagrera. Il n’y a pas lieu de penser que ces
Catalans aient été mis en rapports avec l’imagier du roi de Navarre.
Un Johan de Valenciennes travailla avant Sagrera au portail de la
Mer : c’était un médiocre tailleur de pierres; mais il est possible que
des artistes plus notables soient venus en Catalogne, dont nous
ignorons les noms.
VII
Parmi les Français et les Flamands qui sont allés avant la Renais-
sance exercer un métier d’art en Espagne, Janin Lomme est le seul
dont la personnalité soit aujourd’hui distincte. Le groupe de ses
œuvres, que j’ai essayé de reformer, sera certainement complété
par les découvertes à venir. Le tombeau de Charles le Noble restera
l’œuvre capitale de l’imagier de Tournai. L’intérêt historique de ce
monument dépasse de loin les limites du royaume de Navarre.
Une des questions les plus importantes qui restent à résoudre
pour l’histoire de l’art est celle des rapports de l’art français et de
l’art flamand, au temps où Paris et Dijon furent des capitales de l’art
européen. Quelle est au juste la part de la main-d’œuvre flamande
et celle du « milieu » français? Le rôle de la Flandre, après avoir
été grossi à l’extrême par Courajod, a été presque réduit à rien par
M. Raymond Kœchlin h
La grande difficulté du problème est dans l’ignorance où nous res-
tons de l’une des données qu’il faut mettre en présence. La sculpture
religieuse et funéraire du moyen âge a été presque anéantie en pays
flamand et néerlandais par les iconoclastes du xvic siècle. Les villes
qui ont envoyé des imagiers réputés à Paris et Dijon, et jusqu’au
delà des Pyrénées, n’ont conservé des ouvrages de ces maîtres que
de misérables épaves.
C’est le cas de Tournai. Une école prospère d’imagiers et de
tombiers s’était formée dans cette ville, à proximité des carrières de
pierre bleue et de marbre noir. Les documents nous apprennent que
cette école essaima à travers la France : que des Tournaisiens
allèrent travailler à Troyes (1378), et jusqu’à Lyon (1396-1402) ; que
Philippe le Hardi fit amener de Tournai à Dijon une image de
Notre-Dame, et qu’il manda à son service, en 1386, un imagier
résidant à Tournai : Nicolas de Haine, « pour exécuter certains 1
1. C’est, on le sait, dans la Gazette des Beaux-Arts que M. Kœchlin a publié, en
1903, ses articles, qui font époque : La Sculpture belge et les influences françaises
aux xuie et xive siècles.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
chitecte-sculpteur Guillem Sagrera. Il n’y a pas lieu de penser que ces
Catalans aient été mis en rapports avec l’imagier du roi de Navarre.
Un Johan de Valenciennes travailla avant Sagrera au portail de la
Mer : c’était un médiocre tailleur de pierres; mais il est possible que
des artistes plus notables soient venus en Catalogne, dont nous
ignorons les noms.
VII
Parmi les Français et les Flamands qui sont allés avant la Renais-
sance exercer un métier d’art en Espagne, Janin Lomme est le seul
dont la personnalité soit aujourd’hui distincte. Le groupe de ses
œuvres, que j’ai essayé de reformer, sera certainement complété
par les découvertes à venir. Le tombeau de Charles le Noble restera
l’œuvre capitale de l’imagier de Tournai. L’intérêt historique de ce
monument dépasse de loin les limites du royaume de Navarre.
Une des questions les plus importantes qui restent à résoudre
pour l’histoire de l’art est celle des rapports de l’art français et de
l’art flamand, au temps où Paris et Dijon furent des capitales de l’art
européen. Quelle est au juste la part de la main-d’œuvre flamande
et celle du « milieu » français? Le rôle de la Flandre, après avoir
été grossi à l’extrême par Courajod, a été presque réduit à rien par
M. Raymond Kœchlin h
La grande difficulté du problème est dans l’ignorance où nous res-
tons de l’une des données qu’il faut mettre en présence. La sculpture
religieuse et funéraire du moyen âge a été presque anéantie en pays
flamand et néerlandais par les iconoclastes du xvic siècle. Les villes
qui ont envoyé des imagiers réputés à Paris et Dijon, et jusqu’au
delà des Pyrénées, n’ont conservé des ouvrages de ces maîtres que
de misérables épaves.
C’est le cas de Tournai. Une école prospère d’imagiers et de
tombiers s’était formée dans cette ville, à proximité des carrières de
pierre bleue et de marbre noir. Les documents nous apprennent que
cette école essaima à travers la France : que des Tournaisiens
allèrent travailler à Troyes (1378), et jusqu’à Lyon (1396-1402) ; que
Philippe le Hardi fit amener de Tournai à Dijon une image de
Notre-Dame, et qu’il manda à son service, en 1386, un imagier
résidant à Tournai : Nicolas de Haine, « pour exécuter certains 1
1. C’est, on le sait, dans la Gazette des Beaux-Arts que M. Kœchlin a publié, en
1903, ses articles, qui font époque : La Sculpture belge et les influences françaises
aux xuie et xive siècles.