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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 40.1908

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Nr. 2
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Jacobsen, Emil: Deux dessins de Titien
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https://doi.org/10.11588/diglit.24867#0134

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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tueuses, trône bien haut la Mère de Dieu, tenant l’Enfant Jésus
debout dans ses bras. Quelques degrés plus bas, le dos tourné vers
l’autre colonne, est assis l’Apôtre saint Pierre, tandis que, tout en
bas, à gauche, se tiennent Jacopo Pesaro agenouillé et sa suite.

Une grande ligne oblique se trouve donc hardiment tirée
d’un bout à l’autre du tableau, et cette audacieuse diagonale n’est
rendue que plus apparente par la ligne verticale des deux puis-
santes colonnes. Ces deux directions générales, outre qu’elles forment
un système de lignes parfaitement original, concourent à produire
le plus heureux effet. Et, comme les lignes horizontales ne devaient
pas absolument manquer au tableau, le maître a représenté, tout à
fait en haut, coupant les deux colonnes, des nuages tout en longueur,
sur lesquels quelques chérubins, aussi jolis et aussi délicats que les
anges de son Assimla, tourbillonnent, s’efforçant de maintenir droite
une grande et lourde croix.

Ce hardi déplacement de l’axe principal de la composition devint
désormais typique dans les retables vénitiens, et Paul Yéronèse,
surtout a appliqué avec prédilection cette formule, témoin sa Vierge
trônante de San Zaccaria, actuellement à l’Académie.

A d’autres égards aussi, le tableau constitue comme un apogée du
développement de la composition au sens de la haute Renaissance.
Qu’on examine la manière dont les personnages sacrés sont groupés,
les contrastes dans les attitudes corporelles, les différentes direc-
tions des regards, le redressement ou l'inclinaison des tètes : on y
trouvera un système accompli de beauté de lignes.

On peut poser en principe qu’au quattrocento chaque person-
nage existe par lui-même. On ne savait pas ce que c’était que de
grouper deux ou plusieurs corps, de façon à ce que ceux-ci sem-
blassent comme enveloppés d’une musique subtile. Donner l’impres-
sion du beau indépendamment du sujet représenté, et cela au
moyen d’un jeu de lignes symbolique qui résonne comme une
musique, tel a été le secret de la haute Renaissance h

Ce n’est pas la première fois que Titien portraiturait l’évêque
de Paphos, ou le « Raffo », comme Jacopo Pesaro était surnommé.
Plus do vingt ans avant l’achèvement du chef-d’œuvre des Frari, il
avait représenté l’évêque agenouillé au pied du trône de l’Apôtre
saint Pierre dans un grand tableau commémoratif de l'heureuse
issue du combat de Santa Maura, en 1502, où Pesaro, à la tête des

l. Cette idée se trouve plus amplement développée dans un livre que nous
devons publier prochainement : Le Quattrocento à Sienne (Strasbourg, Heitz édit.)
 
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