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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 40.1908

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Clouzot, Henri: Les portraits de Rabelais
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https://doi.org/10.11588/diglit.24867#0141

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LES PORTRAITS DE RARELAIS

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entouré à Montpellier de plus d’honneurs que la propre image du
Saint-Père dans la benoite île des Papimanes?

Ces conjectures fondées ou non, le fait est que nous ne connais-
sons aucune figure de Rabelais antérieure à 1553, date probable de
sa mort. Le premier portrait apparaît en 1569, dans l’édition de Jean
Martin, à Lyon, sous la forme d’un profil dans un médaillon. La tête
est ronde, la barbe fournie, le nez bien fait et légèrement relevé.
Sur la tête ni calotte ni bonnet de docteur. La légende porte : Franc.
Rabelais.

Deux ans plus tard, le même portrait revient dans l’édition de
Pierre Estiart, toujours à Lyon, mais avec de sérieuses modifica-
tions. La figure s’est allongée, la barbe se termine plus en pointe.
En dépit de la légende : M. François Rabelais, on a peine à reporter
à l’auteur de Pantagruel ce profil qui, comme le précédent, présente
un singulier air de famille avec certains portraits de Clément Marot.

Et c’est tout pour le xvie siècle! Aucune peinture, aucune mé-
daille. C’est à peine si nous soupçonnons l’existence, avant 1578, d’un
tableau conservé à Nancy chez le médecin du duc de Lorraine,
Antoine le Poix. Encore les chances sont-elles grandes pour que
cette toile, dont toute trace est aujourd’hui perdue, ait représenté
notre auteur avec la déformation de Ronsard et de la Pléiade,
c’est-à-dire sous les traits d’un ivrogne et d’un riboteur. On ne
s’expliquerait guère autrement la singulière épigramme que ce por-
trait a inspirée à un rimailleur du temps :

Aux Cordeliers me conduit ignorant,

Dont puis après me tira repentant.

Je ne crus point en saint François mon père,

J’aimai toujours vanité comme mère,

Et mon plaisir me mena jusqu’au bout.

Le vin, le ris, le monde fut mon tout1.

Avec le xvuc siècle, la fortune capricieuse prodigue ses faveurs à
Rabelais. Non seulement les érudits recherchent passionnément tout
ce qu’ils croient utile à l’éclaircissement du texte, mais l’œuvre
trouve des lecteurs dans les meilleures sociétés. On commence à
sentir le besoin de fixer les traits de l’auteur.

Un graveur habile, Léonard Gaultier — d’autres disent Thomas
de Leu — fait figurer Rabelais dans sa grande planche des Pour-
traicts de plusieurs hommes illustres qui ont figuré en France depuis

1. Revue des Éludes rabelaisiennes, IV, 244. — Cette épitaphe fait partie du
manusc. fr. 1662, Bibl. Nat., anc. Colbert 2220.
 
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