DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:Clouzot, Henri: Les portraits de Rabelais
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124 GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Fan 1500 jusqu’à 'présent, appelée communément la Chronologie
collée. Il lui donne place dans la série des médecins célèbres, entre
Jacques Dubois, en latin Sylvius, et Guillaume Rondelet, le Rondi-
bilis du tiers livre1, d’accord en cela avec la notice biographique
qui résume en quelques lignes l’opinion des contemporains : « Fran-
çois Rabelais, de Chinon en Touraine, médecin du cardinal Du Bellay,
excellent en sa profession, rare en doctrine, facétieux et raillard,
ayant quitté l’habit de cordelier, mourut curé de Meudon lez Paris.
11 a traduit les Aphorismes d’Hippocrate. »
Dans ce cadre minuscule, le bon Tourangeau est représenté en
buste, de trois quarts à gauche, avec des traits accusés et éner-
giques. L’œil est largement ouvert, les sourcils réguliers laissent à
la racine du nez une protubérance marquée et caractéristique. Le
front est sillonné de rides, le nez un peu fort, mais bien planté,
l’extrémité légèrement arrondie. Une mince moustache surmonte
des lèvres fines et railleuses, une barbe peu fournie encadre le
menton; le cou nu se dégage librement d’un gilet bordé de four-
rure et laisse dépasser un pli de linge. Sur la tète, légèrement ren-
versée en arrière, s’érige Je bonnet de docteur à quatre pointes,
« à quatre braguettes », comme l’appelle le ve livre.
L’ensemble ne manque ni de caractère ni de dignité et répond
assez bien à l’idée que nous nous faisons du personnage d’après les
plus récentes recherches de la critique. Mais à quelle époque faut-il
faire remonter cette gravure qui ne porte aucune date et dont les
retirages sont innombrables? Quel degré de véracité faut-il lui
attribuer?
Nous pouvons au moins répondre avec certitude à l’une de ces
questions, grâce à une circonstance restée jusqu’à ce jour presque
ignorée. On retrouve en effet une épreuve de la Chronologie collée
dans un album factice intitulé Les Belles figures et drolleries de la
Ligue-, où le curieux Pierre de Lestoile, l’auteur du Journal, réunis-
sait, à mesure qu’il en faisait l’acquisition, les placards et les
images populaires parus pendant les troubles. Notre planche porte
cette note de sa main : « Pourtraits d’hommes illustres assez mal
faits pour la plus part. Du D. de L., en décembre 1601, le jour de
S. Nicolas. » Or, comme il est question dans la notice de la mort du
président Claude de Faucon, seigneur de Ris, le 29 septembre
1. Au milieu de ces 144 petites figures, Rabelais porte le n° 99. L’exem-
plaire que nous reproduisons, de tout premier tirage, est avant les numéros.
2. Bibl. Nat., réserve La 25°, pl. CXXX1I.
Fan 1500 jusqu’à 'présent, appelée communément la Chronologie
collée. Il lui donne place dans la série des médecins célèbres, entre
Jacques Dubois, en latin Sylvius, et Guillaume Rondelet, le Rondi-
bilis du tiers livre1, d’accord en cela avec la notice biographique
qui résume en quelques lignes l’opinion des contemporains : « Fran-
çois Rabelais, de Chinon en Touraine, médecin du cardinal Du Bellay,
excellent en sa profession, rare en doctrine, facétieux et raillard,
ayant quitté l’habit de cordelier, mourut curé de Meudon lez Paris.
11 a traduit les Aphorismes d’Hippocrate. »
Dans ce cadre minuscule, le bon Tourangeau est représenté en
buste, de trois quarts à gauche, avec des traits accusés et éner-
giques. L’œil est largement ouvert, les sourcils réguliers laissent à
la racine du nez une protubérance marquée et caractéristique. Le
front est sillonné de rides, le nez un peu fort, mais bien planté,
l’extrémité légèrement arrondie. Une mince moustache surmonte
des lèvres fines et railleuses, une barbe peu fournie encadre le
menton; le cou nu se dégage librement d’un gilet bordé de four-
rure et laisse dépasser un pli de linge. Sur la tète, légèrement ren-
versée en arrière, s’érige Je bonnet de docteur à quatre pointes,
« à quatre braguettes », comme l’appelle le ve livre.
L’ensemble ne manque ni de caractère ni de dignité et répond
assez bien à l’idée que nous nous faisons du personnage d’après les
plus récentes recherches de la critique. Mais à quelle époque faut-il
faire remonter cette gravure qui ne porte aucune date et dont les
retirages sont innombrables? Quel degré de véracité faut-il lui
attribuer?
Nous pouvons au moins répondre avec certitude à l’une de ces
questions, grâce à une circonstance restée jusqu’à ce jour presque
ignorée. On retrouve en effet une épreuve de la Chronologie collée
dans un album factice intitulé Les Belles figures et drolleries de la
Ligue-, où le curieux Pierre de Lestoile, l’auteur du Journal, réunis-
sait, à mesure qu’il en faisait l’acquisition, les placards et les
images populaires parus pendant les troubles. Notre planche porte
cette note de sa main : « Pourtraits d’hommes illustres assez mal
faits pour la plus part. Du D. de L., en décembre 1601, le jour de
S. Nicolas. » Or, comme il est question dans la notice de la mort du
président Claude de Faucon, seigneur de Ris, le 29 septembre
1. Au milieu de ces 144 petites figures, Rabelais porte le n° 99. L’exem-
plaire que nous reproduisons, de tout premier tirage, est avant les numéros.
2. Bibl. Nat., réserve La 25°, pl. CXXX1I.