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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 40.1908

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Nr. 2
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Laloy, Louis: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24867#0187

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CHRONIQUE MUSICALE

169

équilibre. Presque aussitôt la mélodie reprend son cours, simple et forte, très
arrêtée, et soutenue d’accords sans dissonance, ordonnés seulement selon les lois
des anciens modes, ceux de l’église : à la Sainte Russie il fallait les accents de
son chant religieux, et le ton de l’œuvre entière est celui de la prière. Rien de
plus vrai, ni de plus profondément touchant que cette pieuse confiance qui, du
profond des malheurs, élève à Dieu tous les regards. Nul peuple, plus que le
russe, ne s’est montré sensible à la foi chrétienne : c’est pour cela peut-être
qu’il fut favorisé de si cruelles épreuves.

Les décors, comme la musique, sont vrais, mais d’une vérité que le style
soutient. C’est bien l’entrée du couvent que l’on voit au premier tableau; au
second1, ce grand mur blanc coupé de grêles arceaux, c’est l’église de l’Assomp-
tion; et, au dernier, c’est la salle du conseil, avec ses lourdes voussures et les
joyaux du trésor impérial. Mais ce ne sont pas des reproductions exactes :
le dessin a des simplifications, même des gaucheries savoureuses qui rappellent
l’art des imagiers. De même, cette cellule du couvent, toute basse et que do-
mine, dressée dans la nuit des murs entrecoupés,une longue icône ascétique; et
la chambre des enfants, au palais, avec la richesse innocente de ses ogives bleu
et or; et encore cette forêt de bouleaux, où l’on n’a pas cherché à isoler les
arbres, comme s’y complaît la virtuosité contemporaine, mais au contraire à les
fondre, dès le troisième plan, dans l’incertitude mélancolique de la neige2.

Les costumes n’avaient, pour être beaux, qu’à reproduire exactement le luxe
de ces fourrures et de ces robes chamarrées, ou l’éclat de ces fichus et de ces
jupes où l’écarlate et l’azur voisinent. Mais on a judicieusement combiné les
couleurs, on les a même assorties aux décors, en harmonies plus hardies que
celles dont l’Opéra-Comique nous régale, plus chaudes aussi, et non moins par-
faites, dans les tons purs de l’enluminure. Enfin la mise en scène a été réglée
avec le soin le plus minutieux, un peu trop minutieux peut-être, car on y
remarque parfois quelque excès d’agitation ; mais combien cet excès vaut mieux
que l’immobilité stupide de nos choristes! C’est ce même excès que je repro-
cherai au jeu de M. Chaliapine : son Boris est un peu plus expansif et gesticu-
lant qu’il ne faudrait, à de certains moments; mais à d’autres l’artiste, oubliant
les leçons de M. Gunsbourg et le rôle de Mefistofele, retrouve cette grandeur
contenue et cette émotion intérieure, qui transportent, et qui sont à lui seul. A
ses côtés, M. Alchevski fait du cauteleux, humble, tenace et impitoyable
Chouiski l’image même de la ruse fuyante, et M. Tchouprinnikov, avec sa robe
blanche et ses yeux égarés sous la coiffe de fer, est un innocent qui rendrait
superstitieux les plus incrédules. Ces deux rôles sont créés. Les autres sont fort
bien tenus par MM. Smirnov et Kastorski, excellents chanteurs, Mmes Ermolenko,
dont la voix mérite des éloges, Petrenko, qui donne à la nourrice la lourdeur
d’une vraie baba, et Rénina, fort touchante dans l’ingénuité hiératique de la
princesse Xénia.

LOUIS L A L O Y

1. J’entends le second tableau de l’ouvrage, devenu le troisième dans le remanie-
ment qu’on nous a offert. On a aussi fait permuter le 2e acte avec le 3°, et supprimé la
scène de l’auberge, si vivante, dont nous avons été jugés indignes.

2. Il est malheureux seulement qu’on ait lésiné sur le tapis blanc, qui n’allait plus
jusqu’à l’avanf-scène.

XL. — 3* période, 22
 
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