Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 40.1908)

L’ART ITALIEN AU MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS 403

s’ignore; un long exercice est nécessaire pour qu'il se connaisse
lui-même; encore ne prend-il conscience souvent de l’évolution
suivie qu’après en avoir atteint le terme ou même dépassé les
limites.

D’après la terminologie courante, les arts décoratifs ne compren-
nent que les arts industriels ou mineurs. Pourtant, toute grande
époque prouve combien une semblable limite est arbitraire et
peu généreuse : la distinction entre les arts majeurs et mineurs
n’existe que dans notre imagination. Jamais les artistes d’autrefois,
et ceux d’Italie moins encore que les autres, n’auraient accepté une

LES FIANÇAILLES DE DIDON ET d’ÈNÉE, PANNEAU PEINT
ÉCOLE FLORENTINE DU XVe SIÈCLE
(Musée des Arts décoratifs, Paris.)

pareille hiérarchie: elle leur eût paru restrictive et dégradante;
chez eux la puissance créatrice donnait précisément sa mesure par
les dehors dissemblables que la production savait revêtir. En Italie,
plus que partout ailleurs, les arts semblent intimement unis dans le
but de créer le décor de la vie commune, et il est impossible de les
isoler sans les priver du bénéfice d’une influence réciproque. San
Gallo, Baccio d’Agnolo, Buontalenti, pour ne citer que quelques
architectes, débutèrent comme menuisiers avant de s’adonner à la
construction des palais ou des églises qui leur ont valu l’admiration
de la postérité. On trouvera dans le mobilier florentin le reflet de
toutes les qualités qui caractérisent si noblement l’architecture
monumentale de la Toscane; la peinture, la sculpture, l’orfèvrerie,
interviennent pour en rehausser la beauté ; il rappelle qu’aux
périodes heureuses l’autorité du savoir et la sûreté du goût consti-