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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 40.1908

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Nr. 6
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Réau, Louis: Max Klinger, [2]: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24867#0551

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MAX KLINGER

507

l’a conçue comme une petite bête de proie, voluptueuse et féline,
dont les vivantes prunelles d’ambre incrusté expriment tout à la
fois la sensualité la plus âcre et l’insensibilité la plus cruelle :
elle ne fait même pas l’aumône d’un regard à ses deux victimes
dont le masque grimace au bas de sa tunique : un vieux viveur
aux joues flasques et un jeune homme livide aux yeux chavirés,
qui incarnent sans doute le tétrarque Hérode et saint Jean-Baptiste.

Cassandre est au contraire le type de la prêtresse tragique qui
maîtrise héroïquement son désespoir et jette à la foule imbécile un
regard de défi. Dans ces deux statues, la blancheur ivoirine des
chairs contraste avec le marbre teinté des draperies. A la même
époque appartient le buste d'Eisa Asenijeff, très séduisante avec
son casque de cheveux noirs et ses yeux d’opale illuminant un
masque de faunesse.

Jusqu’alors la polychromie n’avait guère été appliquée, tout au
moins en France, qu’à de menues statuettes, ciselées et serties
comme des bijoux, qui relèvent plutôt des arts précieux que de la
statuaire. Dans son admirable Monument cle BeethovenKlinger
applique le premier la polychromie à la sculpture monumentale.
Cette œuvre colossale, à laquelle il ne mit la dernière main qu’en
1902, est aussi remarquable par l’effort de la pensée que par la maî-
trise de l’exécution. Elle fut accueillie avec enthousiasme par le
public et par les critiques d’outre-Rhin qui saluèrent prématuré-
ment dans ce chef-d’œuvre le commencement d’une ère nouvelle
pour la sculpture allemande. Klinger fut comparé à Phidias en per-
sonne; le Beethoven de Leipzig égalé au Zeus d'Olympie. Après avoir
été admirée dévotieusement à la Sécession de Vienne où elle était
d’ailleurs admirablement mise en valeur dans une sorte de cella,
l’idole chryséléphantine fit un voyage triomphal à travers l’Alle-
magne entière. Elle a maintenant reçu un asile définitif au Musée
de la ville de Leipzig où il est à craindre qu’on ne l’oublie. En tout
cas les pèlerins se font plus rares et les ovations d’antan se sont bien
calmées2.

Le Monument de Beethoven est l’apothéose du génie créateur.
Le grand musicien est représenté assis sur un trône de bronze, nu

1. Cf. Eisa Asenijeff, Beethovcn-Broschüre. Leipzig, 1902; — H. Bulle, Klingers
Beethoven und die farbige Plaslik der Griechen. Leipzig, 1903; — G. Treu, Max
Klinger als Bildhauer. Leipzig, 1900.

2. Ce monument de Beethoven serait mieux à sa place dans le vestibule du
Gewandhaus, la salle de concerts de Leipzig, qu’à l’abri du tourniquet établi par
une municipalité économe à l’entrée d’une petite chapelle réservée dans le musée.
 
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