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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 40.1908

DOI issue:
Nr. 6
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Réau, Louis: Max Klinger, [2]: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24867#0561

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MAX KLINGER

fi 17

en faisant appel aux ressources combinées de la musique, de la
danse et du chant. Klinger s’efforce pareillement de renverser les
barrières qui séparent les différents genres, en imitant avec les tailles
de la gravure les effets de la peinture, en associant dans de grands
ensembles décoratifs la peinture et la sculpture, en donnant à la
sculpture par des combinaisons de marbres polychromes la séduc-
tion de la couleur. Et non seulement il amalgame dans des syn-
thèses plus ou moins heureuses les différents arts plastiques, mais
il ne craint pas de leur imposer les lois d’un art tout à fait étranger,
comme la musique, qui s’adresse non plus aux yeux, mais aux
oreilles : ses cycles gravés, ses grandes peintures décoratives, son
Monument cle Beethoven, sont des compositions symphoniques et
polyphoniques où les thèmes s’entre-croisent, où les voix se marient.
Sur ce point encore, l’art de Klinger est en contradiction avec le
goût latin. Ces expériences sont contraires à toute notre tradition
artistique. Nous estimons que tous les arts ont leur langue à eux,
leurs ressources propres, leurs convenances particulières et que,
quelles que soient les correspondances mystérieuses qui existent
entre les divers ordres de sensations, il est téméraire d’appliquer
aux arts plastiques les procédés de la composition musicale.

Néanmoins, en dépit de toutes les réserves que peut suggérer un
goût sévère ou timoré, l’œuvre de Klinger s’impose à notre admira-
tion comme un des plus puissants efforts vers la beauté qui aient été
tentés de notre temps. Les expériences continuelles auxquelles s’est
astreint ce tempérament inquiet de novateur ne vont pas évidem-
ment sans tâtonnements et sans méprises; il a exploré un champ
trop vaste pour ne pas s’être quelquefois égaré. Mais la marche mal
assurée d’un chercheur génial prime l’habileté routinière des imita-
teurs du passé. Il se peut que l’œuvre de Klinger soit plus intéres-
sante par les perspectives qu’elle ouvre que par sa beauté propre,
plus admirable par l’intensité de l’effort que par la perfection des
résultats; mais elle est dans tous les cas foncièrement allemande,
aussi bien par ses qualités que par ses défauts. Par l’envergure de
son imagination, par son énergie créatrice, par son goût des symboles
et des idées philosophiques, Klinger rejoint, par delà Bœcklin et
Cornélius, la grande ligure de Durer. De tous les artistes allemands,
il est le seul qui puisse supporter sans en être écrasé cette glorieuse
comparaison.

t. o u i s R é a u
 
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