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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 12.1914-1916

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Koechlin, Charles: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24914#0096

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CHRONIQUE MUSICALE

THÉÂTRE NATIONAL DE L’OPÉRA-COMIQUE : Mârouf, savetier du Caire, opéra
comique en cinq actes, d’après les Mille et une Nuits du Dr Mardrus, poème
de M. L. Népoty, musique de M. H. Rabaud.

uelle bonne surprise ! Sur cette scène ensanglantée (Carmen,
Werther), où rôdent les spectres des cimetières (La Habanera),
où pullulent les microbes des phtisies (La Vie de bohème),où fer-
mentent les toxines des « Datura stramonium » (Lakmé), où, si
l’on échappe à l’incendie (Mignon), c’est pour mourir de froid
sous la neige (La Marchande d'allumettes), — Mârouf, savetier du
Caire, opéra-comique ! M. Rabaud, grand magicien par Allah, a
transfiguré le genre éminemment national : la paix sur lui ! Et louanges au
Rétributeur qui permit cette œuvre excellente et distinguée, bel arbre harmo-
nieux, fleuri d’une gaieté de bonne compagnie ! Pour moi, j’ai toujours beaucoup
aimé la bonne humeur musicale, persuadé qu’elle pouvait, qu’elle devait s’élever
très au-dessus de l’opérette moderne. Et, certes, je prise infiniment l’humour de
l’ahurissante Étoile ou de la spirituelle Heure espagnole-, mais là, comme chez
Alphonse Allais, c’est un peu le sourire de la « délectation morose ». Tandis que
l’ancienne gaieté, celle du bon vieux temps où la musique confiante et sereine
restait encore pure de ce je ne sais quoi d’amer des temps modernes (arrière-
goût du pessimisme1 romantique?), cette musique des délicieux finals de Haydn
et de Mozart, qu’elle était charmante, et comme il nous était triste de l’oublier!
Il se peut bien, je sais, que notre sympathie actuelle soit encore mieux attirée
vers davantage de poésie lyrique ou de sensibilité intime, vers l’étran-
geté du mystère, vers la beauté subtile d’ùne expression plus profonde et
plus concentrée : nous obéissons quand même à l’éternel désir d’au-delà,
comme à l’intuition que la vie humaine n’est pas tout; et puis, nous avons
bien vu ces lourds nuages d’angoisse à l’horizon... Mais il est sain, il est néces-
saire d’avoir la force, de temps à autre, d’oublier ces visions d’effroi, pour
« croire encore à la fraîcheur de la vie, et oublier un moment les menaces
de la mort ». La souffrance nous élève, mais il n’est pas vrai que les œuvres
tristes soient les seules belles. Inutile de rappeler la Joie sublime qui, succé-

1. Mais il lui sera beaucoup pardonné, en raison de tant de belles œuvres, et d’un
si admirable renouvellement de notre art musical.

XII.

4* PÉRIODE.

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