Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 12.1914-1916)

VILLAGE MARIN

D’aI'KÈS UNE EAU-FORTE ORIGINALE DK M. JEAN FRÉLAUT (ÉPREUVE UNIQUE)

PEINTRES-GRAVEURS CONTEMPORAINS

JEAN FRÉLAUT

Quand vous regardez les peintures de Fouquet ou de Bourdi-
clion, de Jean Malouel ou du « Maître de Moulins », tout cet
art des Primitifs qui ouvraient pour la première fois leur
intelligence à l’infinie beauté de la nature et qui en étaient éblouis
au point de ne rien voir au-dessus de sa transcription attentive et
recueillie dans l’émotion religieuse qu’ils ressentaient, un double
caractère frappe : la sincérité du sentiment, et la sincérité de la vision.

L’artiste ne sait pas s’il est savant ou, du moins, il ne parait pas
le savoir; sa connaissance, qui est pourtant réelle, se garde bien
d’aller jusqu’à la virtuosité, cette acrobatie qui fait passer le métier
avant le sentiment. Tout son effort tend à traduire le spectacle qu’il
a sous les yeux et dont sa sensibilité fut remuée. Rien au delà ne
l’intéresse; il n’a pas d’autre but, il n’éprouve pas d’autre besoin
que de se rapprocher le plus qu’il peut de la nature et de s’acharner
aux difficultés qu’elle lui oppose. Il est à la fois volontaire et naïf:
il sait ce qu’il veut, mais il n’est pas nanti des recettes d’école qui
apprennent à rendre par un à peu près superficiel les effets profonds
qu’il a saisis. Il est un primitif, c’est-à-dire qu’il hésite, qu’il
s’effraie, mais qu’il s’enthousiasme et qu’il persévère. 11 lutte avec
l’insaisissable Protée; toujours découragé, il n’est jamais abattu et
son énergie finit par l’amener au triomphe. Il fixe sur son papier,