DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:Bénédite, Léonce: La vie artistique pendant la guerre
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.24914#0287
LA VIE ARTISTIQUE PENDANT LA GUERRE
Fa guerre n’a pas empêché l’Art de vivre ou, du
moins, de prendre sa part des tragiques
événements que nous traversons, il a eu,
d’ailleurs, son lot de deuils et de souffrances.
N’a-t-il pas été une des premières et des plus
sanglantes victimes ? Il appartient à mon
collègue et ami André Michel, si vaillant et
si ferme au milieu de ses épreuves person-
nelles, de dresser ici le bilan des dévasta-
tions sacrilèges, des ruines à jamais déplo-
rables, perpétrées par cette dernière invasion
des Barbares. Les forfaits s’accumulent sur
les mêmes régions que piétinent leurs hordes farouches, arrêtées toutefois si
brusquement, que l’on cria, comme au temps d’Attila, au miracle, — miracle
éternel, cependant, du sursaut des cœurs français.
Et que de héros parmi nos jeunes artistes tombés au champ d’honneur!
L’École des Beaux-Arts a pu dresser le martyrologe sacré de ces braves enfants
qui se sont offerts en sacrifice à la patrie. M. Paul Ginisty a eu la pieuse idée
d’élever à leur souvenir une sorte de monument commémoratif, avec un livre
d’or qui compte, hélas! à cette heure nombre de jeunes vies glorieusement
brisées L
Mais c’est la manière la plus commune de vivre que de souffrir, et la mort
sera sans doute ici une nouvelle source de vie. Nous avons eu la vision réconfor-
tante de voir le monde entier de ces spectateurs timorés ou apeurés qui
s’appellent les « neutres », indifférents jusqu’alors aux hécatombes humaines,
secoués d’horreur et d’indignation à l’incendie de Louvain et au bombardement
de Reims. L’Art, ce patrimoine sacré de l’humanité tout entière, n’a donc point
perdu son prestige au milieu de ce cataclysme invraisemblable ? Us ne se sont
donc point leurrés, ceux qui, au milieu de ces jours terribles, n’ont pas cru que
leur mission dût s’interrompre et ont pensé que, maintenus par leur âge à
l’arrière, il leur était imposé néanmoins d’impérieux devoirs ?
Et, défait, après les premiers mois d’angoisses et d’incertitudes, la vie repre-
nait peu à peu dans le monde de l’art. Le public semblait revenir à l’art comme
1. Paul Ginisty, Les Artistes morts pour la Patrie (août 191 A-décembre 1915) ; préface
de M. A. Dalimier, sous-secrétaire d’Etat des Beaux-Arts; introductions de MM. Léon
Bonnat, Bartholomé, Widor, Pascal et de Mme Bartet. Paris, F. Alcan, édit.
xjn. — 4e PÉRIODE.
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Fa guerre n’a pas empêché l’Art de vivre ou, du
moins, de prendre sa part des tragiques
événements que nous traversons, il a eu,
d’ailleurs, son lot de deuils et de souffrances.
N’a-t-il pas été une des premières et des plus
sanglantes victimes ? Il appartient à mon
collègue et ami André Michel, si vaillant et
si ferme au milieu de ses épreuves person-
nelles, de dresser ici le bilan des dévasta-
tions sacrilèges, des ruines à jamais déplo-
rables, perpétrées par cette dernière invasion
des Barbares. Les forfaits s’accumulent sur
les mêmes régions que piétinent leurs hordes farouches, arrêtées toutefois si
brusquement, que l’on cria, comme au temps d’Attila, au miracle, — miracle
éternel, cependant, du sursaut des cœurs français.
Et que de héros parmi nos jeunes artistes tombés au champ d’honneur!
L’École des Beaux-Arts a pu dresser le martyrologe sacré de ces braves enfants
qui se sont offerts en sacrifice à la patrie. M. Paul Ginisty a eu la pieuse idée
d’élever à leur souvenir une sorte de monument commémoratif, avec un livre
d’or qui compte, hélas! à cette heure nombre de jeunes vies glorieusement
brisées L
Mais c’est la manière la plus commune de vivre que de souffrir, et la mort
sera sans doute ici une nouvelle source de vie. Nous avons eu la vision réconfor-
tante de voir le monde entier de ces spectateurs timorés ou apeurés qui
s’appellent les « neutres », indifférents jusqu’alors aux hécatombes humaines,
secoués d’horreur et d’indignation à l’incendie de Louvain et au bombardement
de Reims. L’Art, ce patrimoine sacré de l’humanité tout entière, n’a donc point
perdu son prestige au milieu de ce cataclysme invraisemblable ? Us ne se sont
donc point leurrés, ceux qui, au milieu de ces jours terribles, n’ont pas cru que
leur mission dût s’interrompre et ont pensé que, maintenus par leur âge à
l’arrière, il leur était imposé néanmoins d’impérieux devoirs ?
Et, défait, après les premiers mois d’angoisses et d’incertitudes, la vie repre-
nait peu à peu dans le monde de l’art. Le public semblait revenir à l’art comme
1. Paul Ginisty, Les Artistes morts pour la Patrie (août 191 A-décembre 1915) ; préface
de M. A. Dalimier, sous-secrétaire d’Etat des Beaux-Arts; introductions de MM. Léon
Bonnat, Bartholomé, Widor, Pascal et de Mme Bartet. Paris, F. Alcan, édit.
xjn. — 4e PÉRIODE.
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