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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 12.1914-1916

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Nr. 4
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Koechlin, Charles: La vie musicale pendant la guerre, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24914#0447

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LA VIE MUSICALE PENDANT LA GUERRE

omme il advient dans un grand deuil, la guerre nous a
violemment arrachés à la musique. Faut-il tenir la
musique pour un « amusement profane », trop
au-dessous de la gravité terrible de la guerre? Ou
plutôt ne serait-ce pas que celle-ci reste éternelle-
ment indigne de la beauté supérieure des sym-
phonies? Mais le chant de notre rêve intérieur —
pour être créé, comme pour être compris — exige
une sorte de bonheur caché, d’optimisme intime,
de confiance malgré tout, même au fond de la tristesse. Cette confiance fait
parfois défaut. Dès le mois d’août 1914, elle nous quitta : non que nous
eussions douté de la victoire finale, mais à cause de l’infini et morne désespoir
de songer au sang, aux incendies, aux ruines de tout. Ce coup de massue
n’atteignit pas de la même façon les mobilisés, ceux à qui était réservée
l’heureuse gloire d'agir. Mais les « inutiles » qui restaient là, avec l’impression
de ne point servir dans l’usine immense, et surtout de ne rien risquer alors que
tant de braves s’en allaient à la mort, ceux-là, désorientés et pleins d’une
angoisse noire, ne savaient où tourner les yeux. La musique leur semblait d’un
passé très ancien; elle était aussi, dans le ciel tragique, comme une pâle étoile
lointaine à l’instant d’une éclaircie fugitive entre de gros nuages sombres...

Cet état d’esprit, qui fut assez général, explique aisément l’abandon du
travail chez les Paul Dukas, les Gustave Charpentier, les André Gedalge. Celui-ci
écrivait l’année dernière : « Je ne pense à aucune musique. Nuit et jour, depuis
un an, j’entends à l’horizon gronder la bataille. » Au fond, ne le dissimulons
point : bien que dictée par de nobles sentiments de solidarité humaine, cette
attitude n’est point celle qu’il 'faut souhaiter à l’artiste. L’inaction découragée
est mauvaise en soi. 11 est généreux — ou plutôt non : il est naturel — qu’on
éprouve du regret et même quelque honte à ne pas se trouver parmi ceux
de la Marne et de Verdun; mais l’artiste qui repousse la Muse ou même
qui ne l’appelle pas de toute sa force, diminue le patrimoine de beauté de son
pays. Désespéré de ne pouvoir aider au présent, il ne fait rien non plus pour
l’avenir. M. J. Marnold l’a bien noté dans un article du Mercure de France où il
morigène MM. Haraucourt et Gedalge, — un peu vertement, suivant son habi-
tude. 11 a dit avec hardiesse des choses justes et salutaires : « L’artiste qui
 
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