DOI issue:
Nr. 2
DOI article:Geffroy, Gustave: Henri de Toulouse-Lautrec (1864 - 1901)
DOI Page / Citation link: https://doi.org/10.11588/diglit.24914#0122
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de voir juste qu’il ne pouvait s’empêcher d’exercer, Lautrec était le
meilleur compagnon du monde, et, bien loin de faire de lui un aca-
riâtre, un maudisseur delà nature et de la vie, sa disgrâce physique
le portait à l’indulgence et à la sympathie, par un acte de volonté
hautement méritoire, qui lui valait de ses amisune émotion respec-
tueuse,... et silencieuse, car Lautrec était de la famille de ceux qui
détestent montrer leur bonté, et qui coupent court, par un mot bref,
par un lazzi, par un rire, aux compliments trop directs. Je ne l'ai vu
qu’une fois amer,— mais pour lui-même : à quelqu’un qui essayait
de le consoler de son mal physique et de l’excitera l’ardente résigna-
tion du travail en louant, comme il le méritait, le magnifique talent
par lequel il devait encore et sans cesse, créer des œuvres : « Cela
ne me rendra pas mes jambes », proféra-t-il doucement et tris-
tement.
Sa vue s’en alla parce qu’il n’avait plus le goût de vivre et qu’il
ne fit rien pour régler et retenir en lui la force de pensée qui lui
avait été nécessaire pour résister à la tristesse de son sort. Il
renonça, non sans orgueil et stoïcisme, laissant, avec tant d’œuvres
achevées et tant d’esquisses et de projets, qui sont des œuvres aussi
par la sûre indication, par la maîtrise de son grand dessin, par la
finesse précise de sa faculté d’expression, un héritage d’art qui sera
revendiqué par l’avenir. Il l’est déjà. Voici Lautrec en compagnie de
ses maîtres et compagnons de la collection Camondo, dans une galerie
annexe du Louvre, avec une Clownesse de la plus ample, de la plus
souple beauté. Voyons ici pour lui, en attendant mieux, un com-
mencement de justice de la postérité.
GUSTAVE G E F F R O Y
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de voir juste qu’il ne pouvait s’empêcher d’exercer, Lautrec était le
meilleur compagnon du monde, et, bien loin de faire de lui un aca-
riâtre, un maudisseur delà nature et de la vie, sa disgrâce physique
le portait à l’indulgence et à la sympathie, par un acte de volonté
hautement méritoire, qui lui valait de ses amisune émotion respec-
tueuse,... et silencieuse, car Lautrec était de la famille de ceux qui
détestent montrer leur bonté, et qui coupent court, par un mot bref,
par un lazzi, par un rire, aux compliments trop directs. Je ne l'ai vu
qu’une fois amer,— mais pour lui-même : à quelqu’un qui essayait
de le consoler de son mal physique et de l’excitera l’ardente résigna-
tion du travail en louant, comme il le méritait, le magnifique talent
par lequel il devait encore et sans cesse, créer des œuvres : « Cela
ne me rendra pas mes jambes », proféra-t-il doucement et tris-
tement.
Sa vue s’en alla parce qu’il n’avait plus le goût de vivre et qu’il
ne fit rien pour régler et retenir en lui la force de pensée qui lui
avait été nécessaire pour résister à la tristesse de son sort. Il
renonça, non sans orgueil et stoïcisme, laissant, avec tant d’œuvres
achevées et tant d’esquisses et de projets, qui sont des œuvres aussi
par la sûre indication, par la maîtrise de son grand dessin, par la
finesse précise de sa faculté d’expression, un héritage d’art qui sera
revendiqué par l’avenir. Il l’est déjà. Voici Lautrec en compagnie de
ses maîtres et compagnons de la collection Camondo, dans une galerie
annexe du Louvre, avec une Clownesse de la plus ample, de la plus
souple beauté. Voyons ici pour lui, en attendant mieux, un com-
mencement de justice de la postérité.
GUSTAVE G E F F R O Y