L’EXPOSITION INTERNATIONALE DE LYON
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Si donc il semble parfois recevoir du monde une impression im-
prévue, croyez que sa surprise est volontaire.
Sa Grande Plage est un délicieux morceau décoratif. Le parti
pris de rose et de bleu nous donne une impression de suavité tendre,
de fraîcheur chaste que corroborent les nus édéniques. Je songe à
un Fra Angelico des bains de mer. Bonheur peut-être un peu simple,
douces figurations de la joie que procurent la pureté, la lumière,
l’espace, et des instincts célestes. C’est la baignade d’idéales non-
nains. J’y voudrais l’oiseau de Vert-Vert au doigt plié de l’une d’elles.
Mais un peintre insensible aux'blandices du couvent sera toujours
mécontent de ces nus si semblables de couleur et où tous les luisants
sont identiques. Il en voudra à l’artiste d’avoir si délibérément
renoncé à l’imprévu, à l’accent de nature que pouvait lui fournir
l’observation directe. Devant tant de jolies pucelles noyées dans le
bleu, il songera à la Bethsabée de Rembrandt, orde et fanée. On ne
sait jamais les choses par cœur. Combien je préfère à cette Grande
Plage ces bouts d’études du même peintre, où des enfants aux vifs
maillots sont surpris jouant au bord des flaques, et le soleil sur le
sable, et l’eau noire et verte à l’ombre des tentes!...
*
Peut-être trop de raison en art, comme en philosophie, est-ce un
danger. Une technique trop précise risque aussi de conduire à la
monotonie. Quelle que soit la diversité des sujets et des effets, rien
ne se ressemble comme deux tableaux de M. Signac. II obtient, à
coup sur, par l’emploi de couleurs pures juxtaposées suivant des
lois inflexibles, des « mélanges optiques » d’un éclat, d’une trans-
parence rares. Il y manque le je ne sais quoi d’abandonné, de hasar-
deux, qui fait pour une part le charme des études sur nature. Les
toiles de M. Guillaumin participent un peu du même défaut. Mais
la touche plus large, la pureté des tons moins sévèrement gardée,
font d’un paysage comme les Bords de la Creuse, simple étude de
terrains, une œuvre remarquable, par la sonorité des nuances, la
qualité de l’atmosphère, la solidité des plans.
Cette division de la couleur, préconisée par Monticelli, chère à
M. Ile nri Martin et à M. Le Sidaner, qui y a trouvé le rythme de
tant de romances sans paroles et de chansons grises, M. Claude
Monet (Waterloo Brige) l’a conduite à la perfection par une mul-
XII.
4e PÉRIODE.
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Si donc il semble parfois recevoir du monde une impression im-
prévue, croyez que sa surprise est volontaire.
Sa Grande Plage est un délicieux morceau décoratif. Le parti
pris de rose et de bleu nous donne une impression de suavité tendre,
de fraîcheur chaste que corroborent les nus édéniques. Je songe à
un Fra Angelico des bains de mer. Bonheur peut-être un peu simple,
douces figurations de la joie que procurent la pureté, la lumière,
l’espace, et des instincts célestes. C’est la baignade d’idéales non-
nains. J’y voudrais l’oiseau de Vert-Vert au doigt plié de l’une d’elles.
Mais un peintre insensible aux'blandices du couvent sera toujours
mécontent de ces nus si semblables de couleur et où tous les luisants
sont identiques. Il en voudra à l’artiste d’avoir si délibérément
renoncé à l’imprévu, à l’accent de nature que pouvait lui fournir
l’observation directe. Devant tant de jolies pucelles noyées dans le
bleu, il songera à la Bethsabée de Rembrandt, orde et fanée. On ne
sait jamais les choses par cœur. Combien je préfère à cette Grande
Plage ces bouts d’études du même peintre, où des enfants aux vifs
maillots sont surpris jouant au bord des flaques, et le soleil sur le
sable, et l’eau noire et verte à l’ombre des tentes!...
*
Peut-être trop de raison en art, comme en philosophie, est-ce un
danger. Une technique trop précise risque aussi de conduire à la
monotonie. Quelle que soit la diversité des sujets et des effets, rien
ne se ressemble comme deux tableaux de M. Signac. II obtient, à
coup sur, par l’emploi de couleurs pures juxtaposées suivant des
lois inflexibles, des « mélanges optiques » d’un éclat, d’une trans-
parence rares. Il y manque le je ne sais quoi d’abandonné, de hasar-
deux, qui fait pour une part le charme des études sur nature. Les
toiles de M. Guillaumin participent un peu du même défaut. Mais
la touche plus large, la pureté des tons moins sévèrement gardée,
font d’un paysage comme les Bords de la Creuse, simple étude de
terrains, une œuvre remarquable, par la sonorité des nuances, la
qualité de l’atmosphère, la solidité des plans.
Cette division de la couleur, préconisée par Monticelli, chère à
M. Ile nri Martin et à M. Le Sidaner, qui y a trouvé le rythme de
tant de romances sans paroles et de chansons grises, M. Claude
Monet (Waterloo Brige) l’a conduite à la perfection par une mul-
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4e PÉRIODE.
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