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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de la cathédrale » (aujourd’hui évêque de Dijon). Et ceci dit, repre-
nons le douloureux pèlerinage.
Dans les ébrasements du portail Nord de la façade occidentale
se tenait, depuis six siècles et demi, une grave et courtoise assem-
blée. Sur l’éperon qui sépare cette porte
de celle de la Vierge, la Reine de Saba,
s’il faut en croire une antique et vrai-
semblable tradition, son grand manteau
rejeté en arrière et l’aumonière pendue à
la ceinture de cuir, venait saluer la Mère
et l’Enfant, tandis que, de l’autre côté,
le roi Salomon lui-même semblait s’ap-
prêter à présenter à la Reine des cieux la
lointaine princesse qui avait entrepris,
pour l’honorer, le grand voyage symbo-
lique où les docteurs ont découvert tant de
sens prophétiques et cachés. Que de grâce
et d’amène dignité, que de simple élégance
dans son visage et son maintien! En elle
revivait la grande dame de la cour de saint
Louis, aussi fidèlement que le chevalier,
compagnon du roi à la croisade, revit dans
le Saint Maurice du portail méridional de
Chartres. Que de grâce aussi, mais combien
différente, dans la Vierge au subtil sourire,
aux lèvres minces et aux yeux mi-clos qui
rappelle plutôt les modes qu’un voyageur
anglais avait notées à la cour de France et
qui n’avaient pas manqué d’être adoptées,
exagérées peut-être, à la cour des comtes de
Champagne, centre de tous les raffinements I
Puis, venaient les compagnons de saint
Nicaise : saint Jocond et saint Florent, saint
Maur et sainte Eutropie, cette héroïque sœur
de saint Nicaise, qui, pour avoir souffleté
le bourreau de son frère, fut, elle aussi, envoyée au supplice. En face,
saint Nicaise, le crâne tranché, assisté de deux anges; puis, saint
Remy et sa mère (ou sainte Clotilde, qui, en amenant Clovis au bap-
tême, fit de la France la fille aînée de l’Église) et saint Thierry, son
disciple. C’était l’évocation de la plus lointaine histoire des temps
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de la cathédrale » (aujourd’hui évêque de Dijon). Et ceci dit, repre-
nons le douloureux pèlerinage.
Dans les ébrasements du portail Nord de la façade occidentale
se tenait, depuis six siècles et demi, une grave et courtoise assem-
blée. Sur l’éperon qui sépare cette porte
de celle de la Vierge, la Reine de Saba,
s’il faut en croire une antique et vrai-
semblable tradition, son grand manteau
rejeté en arrière et l’aumonière pendue à
la ceinture de cuir, venait saluer la Mère
et l’Enfant, tandis que, de l’autre côté,
le roi Salomon lui-même semblait s’ap-
prêter à présenter à la Reine des cieux la
lointaine princesse qui avait entrepris,
pour l’honorer, le grand voyage symbo-
lique où les docteurs ont découvert tant de
sens prophétiques et cachés. Que de grâce
et d’amène dignité, que de simple élégance
dans son visage et son maintien! En elle
revivait la grande dame de la cour de saint
Louis, aussi fidèlement que le chevalier,
compagnon du roi à la croisade, revit dans
le Saint Maurice du portail méridional de
Chartres. Que de grâce aussi, mais combien
différente, dans la Vierge au subtil sourire,
aux lèvres minces et aux yeux mi-clos qui
rappelle plutôt les modes qu’un voyageur
anglais avait notées à la cour de France et
qui n’avaient pas manqué d’être adoptées,
exagérées peut-être, à la cour des comtes de
Champagne, centre de tous les raffinements I
Puis, venaient les compagnons de saint
Nicaise : saint Jocond et saint Florent, saint
Maur et sainte Eutropie, cette héroïque sœur
de saint Nicaise, qui, pour avoir souffleté
le bourreau de son frère, fut, elle aussi, envoyée au supplice. En face,
saint Nicaise, le crâne tranché, assisté de deux anges; puis, saint
Remy et sa mère (ou sainte Clotilde, qui, en amenant Clovis au bap-
tême, fit de la France la fille aînée de l’Église) et saint Thierry, son
disciple. C’était l’évocation de la plus lointaine histoire des temps