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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 12.1914-1916

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Nr. 3
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Bénédite, Léonce: La vie artistique pendant la guerre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24914#0292

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

L’exposition de la Triennale a ouvert ses portes dans les salles du Jeu de
Paume le 1er mars 1916 pour les fermer le 15 avril. C’est sa deuxième expo-
sition. 11 n’y a rien de commun entre son programme et le programme de
récapitulation périodique qu’avait, en 1883, adopLé l’administration des Beaux-
Arts. La Triennale actuelle a d’autres visées. Si elle ne se montre que tous
les trois ans, c’est surtout par un sentiment de discrétion, fort louable, envers
le public. Sa pensée a été d’appliquer à l’art le principe de T a union sacrée ».
C’est une initiative qui a quelque mérite dans un monde ou les partis extrêmes
n’ont, pas plus qn’ailleurs, de ménagements réciproques. 11 est assez piquant
de constater que, en apparence du moins, on a réussi. On rencontrait sans
émoi MM. Ronnat, Mercié, Humbert ou Raphaël Collin en face de M. Henri
Matisse ou de Mme Marval. MM. Harpignies, Pointelin et Guillemet côtoyaient
MM. Renoir, Guillaumin ou Signac. Les temps dans lesquels nous vivons nous ont
mêlés à des choses si extraordinaires qu’on ne s’étonne plus. Cette atmosphère
d’apaisement, qu’on ne rencontre plus guère que dans les arts, est particuliè-
rement douce à respirer. Profitons-en et souhaitons qu’aucune brise maligne ne
la dissipe.

C’est à M. Ronnat qu’on avait donné la place d’honneur entre deux chefs-
d’œuvre de M. Degas. Rapprochement inattendu, qui unit cependant, dans
leurs derniers travaux, deux maîtres qui sont partis ensemble. Mais leurs voies
respectives ont divergé en cours de route. L’hommage qu’on a ainsi rendu à
l’un des doyens de notre école est dû autant à cette longue et noble carrière
qui a porté sans faiblir tous les succès et tous les honneurs, qu’à la bien-
veillance inaltérable de l’homme qui s’est prodigué, au cours de ces longs mois
de guerre, pour aider au soulagement des cruelles épreuves qui attendaient les
artistes. Son portrait de M. Thoumy, daté de 1915, est une œuvre pleine de viri-
lité; cette main d’octogénaire est aussi ferme qu’est souple celle du nonagé-
naire M. Harpignies, dont le Chemin près de Morlaix est daté de 1912.

Rien de nouveau à dire sur les deux toiles de M. Degas et sur ce talent à la
fois foncièrement indépendant et supérieurement classique ; ce sont deux pein-
tures d’une époque déjà lointaine, période d’harmonies sobres et rares, d’atmo-
sphère enveloppée noyant les corps et de beau dessin toujours surpris.

Danscetensemble, nécessairement assez hétéroclite, bien des œuvres conçues
au cours de ces longs mois de guerre étaient dignes d’attirer les regards et de
retenir l’attention. Portraits de M. E. Laurent, de M. Jacques Blanche ou de
M. La Gandara; paysages héroïques de M. René Ménard, rayonnants de M. Henri
Martin; souples et animés de M. Lebourg; vibrants et clairs de M. Chariot ou de
M. Manguin ; intérieur d’église de M. Sabatté; décors de nature très montés de
ton de M. Maurice Chabas; sujets modernes de M. G. d’Espagnat, de M. Louis
Legrand ou de M. Marquet, etc. 11 est toutefois quelques morceaux qu’on vou-
drait signaler d’une note plus particulière. Je veux parler du portrait de femme
de M. Carrera, si sobre, si sérieux, si attentivement modelé dans sa tonalité
fine et discrète; cette effigie tranquille et grave dénote un progrès marqué chez
l’artiste. Le portrait de Fillette au grand chapeau, de M. Jules Flandrin, est aussi
une œuvre digne d’intérêt; l’artiste s’est laborieusement et consciencieusement
cherché; ses efforts, ici comme à la galerie Georges Petit, ont porté leurs fruits.

Il y a maintenant trois artistes dont les œuvres nous causent de véritables
 
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