COURRIER DE L’ART ANTIQUE 291
Peut-être les historiens de l’art n’y ont-ils pas fait assez attention. L’empereur
n’a guère pu faire imaginer, pour la circonstance, des bustes d’Abraham et du
Christ; il devait en exister
de son temps. Mais ceux
qui les avaient sculptés ne
pouvaient être ni des juifs,
ni des chrétiens de la grande
Église, imbus des idées
iconoclastes de l’Ancien
Testament et détestant les
idoles. Qui donc en étaient
les auteurs? L’histoire per-
met de répondre : c’étaient
des chrétiens gnostiques,
hellénisants, en particulier
les sectaires connus sous
le nom de Carpocratiens,
du nom du platonicien Car-
pocrate qui enseignait vers
l’an 130 à Alexandrie. Les
Carpocratiens, qui possé-
daient des bustes de Jésus
et leur adressaient des
honneurs païens, étaient
tenus pour des profanes L II
faut donc se garder d’attri-
buer à une époque trop
basse, celle de Constantin
et de ses successeurs, les
rares œuvres en ronde-
bosse qui nous sont restées
de l’art chrétien primitif.
Une statue aussi remar-
quable que le Bon Pasteur
du Latran ne peut vrai-
ment pas être contempo-
raine des hideux bons-
hommes du ive siècle. Nous
en dirons autant de la
remarquable statuette de
jeune homme assis, qui a statuette présumée de jésus, marbre
été récemment acquise par (Musée National, Rome.)
le Musée national de Rome,
chez l’antiquaire Sangiorgi, où elle passait pour l’image d’une poétesse. Un
archéologue italien2 a cru pouvoir affirmer qu’elle représentait Jésus sous les
1. Renan, Marc-Aurèle, p. 341 (d’après saint Irénée).
2. R. Paribeni. Bollettino cl'Arte, 1914, p. 384.
Peut-être les historiens de l’art n’y ont-ils pas fait assez attention. L’empereur
n’a guère pu faire imaginer, pour la circonstance, des bustes d’Abraham et du
Christ; il devait en exister
de son temps. Mais ceux
qui les avaient sculptés ne
pouvaient être ni des juifs,
ni des chrétiens de la grande
Église, imbus des idées
iconoclastes de l’Ancien
Testament et détestant les
idoles. Qui donc en étaient
les auteurs? L’histoire per-
met de répondre : c’étaient
des chrétiens gnostiques,
hellénisants, en particulier
les sectaires connus sous
le nom de Carpocratiens,
du nom du platonicien Car-
pocrate qui enseignait vers
l’an 130 à Alexandrie. Les
Carpocratiens, qui possé-
daient des bustes de Jésus
et leur adressaient des
honneurs païens, étaient
tenus pour des profanes L II
faut donc se garder d’attri-
buer à une époque trop
basse, celle de Constantin
et de ses successeurs, les
rares œuvres en ronde-
bosse qui nous sont restées
de l’art chrétien primitif.
Une statue aussi remar-
quable que le Bon Pasteur
du Latran ne peut vrai-
ment pas être contempo-
raine des hideux bons-
hommes du ive siècle. Nous
en dirons autant de la
remarquable statuette de
jeune homme assis, qui a statuette présumée de jésus, marbre
été récemment acquise par (Musée National, Rome.)
le Musée national de Rome,
chez l’antiquaire Sangiorgi, où elle passait pour l’image d’une poétesse. Un
archéologue italien2 a cru pouvoir affirmer qu’elle représentait Jésus sous les
1. Renan, Marc-Aurèle, p. 341 (d’après saint Irénée).
2. R. Paribeni. Bollettino cl'Arte, 1914, p. 384.