364
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de l’impressionnisme; il veut graver directement d’après nature, il
poursuit les effets de lumière par un dessin libre, dont le trait vou-
drait s’évanouir, se dissiper dans la clarté. Il produit ainsi une
quarantaine de zincs, puis il reconnaît son erreur, détruit ses
planches, déchire plus de deux cents épreuves. Il en reste à peine
quelques-unes, données ou vendues antérieurement au massacre.
Cette période s’étend sur deux années, 1908 et 1909.
A ce moment, une révélation ! On peut affirmer que chaque tem-
pérament d’artiste a son correspondant dans le passé : Ingres avait
les Primitifs du quattrocento-, Delacroix, les Vénitiens; Manet, Goya;
Ribot, Zurbaran ; Rude, Phidias; M. Anquetin a Rubens; M. Helleu,
Reynolds ou Gainsborough ; d’autres ont les Japonais, les Russes, les
Persans, les Chinois, même les nègres! M. Frélaut sentit devant Breu-
ghel le Vieux la commotion qui lui révélait l’ancêtre artistique. Il
comprit, comme lui, le paysage dans son intimité, dans son rappro-
chement de l’homme, dans le respect de son caractère individuel.
Comme lui, il aima à mettre de la vie partout; mais ses animaux ou
ses gens animent la campagne et ne s’imposent pas au regard. On les
découvre en parcourant la planche, comme du sommet d’une colline
on découvre successivement un paysan qui pioche son champ, une
vache qui paît, une charrette près d’une ferme. L’impression de
Breughel fut si forte, qu’elle effaça celle de Millet, reçue précédem-
ment. Millet, auprès de Breughel, lui parut boursouflé.
C’est pendant un séjour de quatre mois en Hollande (1905) qu’il
connut Breughel et, plus tard, par le remarquable ouvrage de M. van
Bastelaer. En 1908, il se rendit à Florence, où il demeura trois mois,
plus captivé, toujours par les Primitifs, Giotto, Fra Angelico, Taddeo
Gaddi, Simone Martini, etc., que par les virtuoses qui leur succé-
dèrent. Il a toujours craint l’habileté, l’adresse, qui supplée trop
facilement l’émotion.
M. Jean Frélaut conduit parallèlement trois ordres de travaux : la
peinture, la gravure, le dessin. A l’un ou à l’autre il donne la préfé-
rence, selon les saisons. Au printemps, en été, au commencement
de l’automne, c’est la peinture qui l’occupe, et le nombre de ses
tableaux est déjà important : une quarantaine environ. Il peint sans
tricherie, sans atténuation, ce qu’il perçoit de son regard aigu;
mais, derrière ce regard, il y a une âme, pleine de grandeur et de
mélancolie. Et elle transparaît, cette âme; elle s’épanche comme en
un monologue passionné ; elle transforme le spectacle en vision et,
à son tour, l’œuvre parle. Car ce ne sont pas des études que montre
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de l’impressionnisme; il veut graver directement d’après nature, il
poursuit les effets de lumière par un dessin libre, dont le trait vou-
drait s’évanouir, se dissiper dans la clarté. Il produit ainsi une
quarantaine de zincs, puis il reconnaît son erreur, détruit ses
planches, déchire plus de deux cents épreuves. Il en reste à peine
quelques-unes, données ou vendues antérieurement au massacre.
Cette période s’étend sur deux années, 1908 et 1909.
A ce moment, une révélation ! On peut affirmer que chaque tem-
pérament d’artiste a son correspondant dans le passé : Ingres avait
les Primitifs du quattrocento-, Delacroix, les Vénitiens; Manet, Goya;
Ribot, Zurbaran ; Rude, Phidias; M. Anquetin a Rubens; M. Helleu,
Reynolds ou Gainsborough ; d’autres ont les Japonais, les Russes, les
Persans, les Chinois, même les nègres! M. Frélaut sentit devant Breu-
ghel le Vieux la commotion qui lui révélait l’ancêtre artistique. Il
comprit, comme lui, le paysage dans son intimité, dans son rappro-
chement de l’homme, dans le respect de son caractère individuel.
Comme lui, il aima à mettre de la vie partout; mais ses animaux ou
ses gens animent la campagne et ne s’imposent pas au regard. On les
découvre en parcourant la planche, comme du sommet d’une colline
on découvre successivement un paysan qui pioche son champ, une
vache qui paît, une charrette près d’une ferme. L’impression de
Breughel fut si forte, qu’elle effaça celle de Millet, reçue précédem-
ment. Millet, auprès de Breughel, lui parut boursouflé.
C’est pendant un séjour de quatre mois en Hollande (1905) qu’il
connut Breughel et, plus tard, par le remarquable ouvrage de M. van
Bastelaer. En 1908, il se rendit à Florence, où il demeura trois mois,
plus captivé, toujours par les Primitifs, Giotto, Fra Angelico, Taddeo
Gaddi, Simone Martini, etc., que par les virtuoses qui leur succé-
dèrent. Il a toujours craint l’habileté, l’adresse, qui supplée trop
facilement l’émotion.
M. Jean Frélaut conduit parallèlement trois ordres de travaux : la
peinture, la gravure, le dessin. A l’un ou à l’autre il donne la préfé-
rence, selon les saisons. Au printemps, en été, au commencement
de l’automne, c’est la peinture qui l’occupe, et le nombre de ses
tableaux est déjà important : une quarantaine environ. Il peint sans
tricherie, sans atténuation, ce qu’il perçoit de son regard aigu;
mais, derrière ce regard, il y a une âme, pleine de grandeur et de
mélancolie. Et elle transparaît, cette âme; elle s’épanche comme en
un monologue passionné ; elle transforme le spectacle en vision et,
à son tour, l’œuvre parle. Car ce ne sont pas des études que montre