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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 8.1923

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Nr. 4
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Jamot, Paul: Renoir (1841 - 1919), [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24940#0372

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34o

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

de ces œuvres, nous ne le retrouvons plus dans la seconde, du moins au
même degré. Mais ces brillants prestiges n'allaient pas sans quelque dom-
mage pour la forme et pour la consistance de la peinture. Lorsqu’il peint la
Baigneuse endormie, Renoir n’admet plus que rien, ni jeu des reflets, ni iri-
sation de la couleur, vienne lutter avec les exigences du dessin et du modelé.
Elle est assise, vue jusqu’aux genoux, le bas du corps légèrement glissé en
avant, le buste dressé, les bras levés, comme les anses d’un beau vase, enca-
drant la petite tête qui s’incline en arrière, la petite tête jeune et fine, aux yeux
clos, aux lèvres presque souriantes dans le sommeil. Une draperie posée en
travers sur les cuisses, sert à mieux concentrer l’attention sur le torse, souple
et doucement lumineux. La ligne sinueuse de ce corps abandonné est d’une
invention admirable, bien qu elle n’ait rien de forcé, rien qui ne paraisse
involontaire. On ne citerait pas beaucoup, je crois, dans l’histoire de la
peinture, de modelés poussés aussi à fond que celui de ce torse : les petits
coups de pinceau composent une matière nourrie et riche, qui reste pour-
tant légère : la vie respire, et l’art, qui ne fait rien pour qu’on le remarque,
est souverain.

Renoir fut longtemps hanté —cessa-t-il jamais de l'être? —par le sujet de
ses Grandes Baigneuses. En 1902, il peint, dans une gamme toute différente,
une réplique qu’il laisse à l’état d’esquissse. Cependant, plusieurs années
avant la date où il reprenait sans changements importants la composition
telle qu’il l'avait arrêtée en 1885, il semble revenir à l'idée de son premier
dessin. Je veux parler de la jolie toile, peinte en 1897, qui fit partie, comme
le dessin, de la collection du prince de Wagram.

Sept baigneuses sont rassemblées au bord d’un étang, ombragé par de
vieux chênes qui rappellent des aspects de la forêt de Fontainebleau tels
que Renoir put les voir lorsque, dans sa jeunesse, il rencontra Diaz à Chailly.
La « plantation » du décor n’est pas sans analogie avec certains tableaux
de Diaz lui-même. L ordonnance des figures et leur proportion dans le paysage
dérivent directement du dessin antérieur au grand tableau de 1885. Les
changements mêmes sont faits en conformité avec l’esprit de cette composition
première. Ainsi, Renoir a eu la gentille idée de doubler le mouvement de la
baigneuse qui, des bras et des jambes, cherche à se défendre contre la
menace des éclaboussures. Une de ses compagnes se penche sur elle par
derrière et la tient aux épaules. Est-ce pour l’empêcher de tomber à la ren-
verse ? N’est-ce pas plutôt, par une perfide complicité avec l’adversaire, pour
paralyser sa défense? Si l’intention de l’amie est suspecte, le bénéfice de l’art
n’est pas douteux. Il y avait, dans le dessin, une figure debout derrière la
baigneuse qui agite ses bras et ses jambes ; mais elle était sans lien avec le
reste de la scène et ne semblait même pas voir ce qui se passait à côte d’elle.
 
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