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— 18 —

qui fait des vers, je devrais dire qui coule des
vers,car c’est un fondeur. Et en vérité ce sont
des vers plus pudlés que laminés. Ce fon-
deur, ce couleur s’appelle Félix Frenay; et sa
fonte : Aux champs et dans l'atelier. Au fond
c’est un poëte sombre quant aux choses du
cœur et de l’esprit ; dans la forme il voit clair
et englobe bien, c’est-à-dire qu’il peint vite et
juste. Il est délicat et rude : il tient une rose
avec une main de fer, tout son être ressemble
à du cristal enchâssé dans du plomb. Il aime
la nature ; il hait — non, il subit — l’atelier.
Pauvre homme ! il est souffreteux parce
qu’on lui a appris à voir les choses ration-
nellement, sur la balance, dans la mesure,
au poids, au mètre. La poésie ne semble
exister pour lui que comme contraste. S’il
pénètre dans le ciel, il n’y voit qu’une suc-
cession d’astres que son orgueil s’irrite de
ne pouvoir atteindre ; la nature est belle,
mais il ne la regarde que comme le résultat
chimique de la chaleur et de l’eau. Hélas! il
admire et casse tout pour voir comment
c’est fait. C’est dommage ! Ce poète a, sans
le savoir, une grande âme en train de som-
brer dans le désespoir. Que le Dieu auquel
il paraît ne pas croire aie pitié de lui !

Mme Emma Tinel-Coekelberg
Sentiers perdus, i vol.

Cette délicate muse s’est produite cette année
à l’ombre du patronage de M. Alph. Leroy.
C’est jeune, c’est frais,mais c’est énormément
inexpérimenté et j’en veux aux gens qui exal-
tent l’auteur au point de trouver dans ses
défauts mêmes matière à de ridicules engoue-
ments. Nous serons plus paternel que ces
maladroits amis et nous dirons à la jeune
poëte des Sentiers perdus qu’elle abuse des
petits oiseaux, des hirondelles, des péphires,
des sourires, arsenal un peu moisi dont il ne
faut faire usage qu’avec une excessive réserve,
non plus que des fleurs de la prairie et
autres tyroliennes vulgaires du même genre.
Je voudrais aussi qu’elle mît un peu moins
ses impressions en coupe réglée et qu’elle
méditât plus longuement ce qu’elle destine à
la publicité. Il lui en reviendrait une gloire
solide. Nous sommes peut-être un peu sévère
pour cette enfant gâtée, mais c’est sa faute,
car lorsqu’on a produit des vers aussi char-
mants que ceux que nous allons transcrire,
on a perdu le droit d’en faire de médiocres.
Dites-moi pourquoi dans l’espace
Où nous jeta la main de Dieu
Nous voulons avoir tant de place
Alors qu’il nous en faut si peu,

Pour aimer, souffrir, prier, vivre;

Pourquoi quand la mort nous délivre
Nous trouvons le monde si beau.

Dites-moi donc pourquoi je pleure
Quand ma faible pensée effleure
Le grand mystère du tombeau.

M. Georges Rodenbach.

Le foyer et les champs, i vol.

A mon sens celui-ci n’est pas un des moins
forts de cette vaillante milice poétique

qu’il fait bon de voir éclore sur le sol belge,
malgré l’indifférence du public, malgré les
événements graves et sombres, malgré les
ruines morales et matérielles qui se prépa-
rent, malgré tout enfin. O merveilleuse,
énergique et irrésistible puissance de la poé-
sie ! Partout on crie qu’elle se meurt et par-
tout elle venait; partout où elle montre le
haut du front, les omnipotents du ventre et
de la bourse crachent dessus. On dirait que
cela la féconde. Au théâtre on la dit morte
et voilà la fille de Roland, Rome vaincue,
YHetman et tant d’autres poëmes robustes
qui y montent et y restent s’il vous plait,
à la confusion des mortifiés du saltimban-
quisme. Beaucoup de choses ont l’air de
s’en aller avec les Dieux, mais si on regarde
bien, tout cela n’est pas parti, mais sorti et
cela rentre par une porte ou par une autre.
Décidément les nations sont ainsi faites qu’on
ne saura jamais leur enlever la poésie. Dans
notre petit peuple il est réellement curieux
d’avoir à constater ce qui est né depuis une
vingtaine d’années de poëtes d ans tous les rangs
sociaux. Depuis M. le comte un tel jusqu’à
l’ouvrier X., on en rencontre une cinquan-
taine qui n’iront pas tous même à mi-chemin
de l’immortalité, je le veux bien, mais qui
ont eu le noble orgueil de tenter l’aventure.
Et remarquez ceci : c’est à la concurrence
des deux grandes écoles qui divisent aujour-
d’hui l’esprit humain et social que cette si-
tuation est due. Le matérialisme et l’idéa-
lisme, voilà le secret et l’explication de ce
mouvement des intelligences. Nous avons
eu nos poëtes libres, très-libres, immédiate-
ment nous avons eu nos poëtes chastes, très-
chastes. Donnant donnant, œil pour œil,
dent pour dent. Toute cette bataille s’est or-
ganisée sans mot d’ordre, sans bruit, instinc-
tivement et la lutte dure encore et je sais
bien qu’elle durera tant qu’il y aura deux
plumes sur la terre, mais je n’entends parler
que des grands combats qui se donnent à de
certains moments amenés par les stratégistes.
Or, voilà vingt ans que nous vivons dans un
de ces moments là; les combattants des deux
côtés sont à leur poste et si le diable ne perd
rien à cette bataille, m’est avis que Dieu n’y
perd pas non plus. Mais revenons à notre
jeune champion.

J’ai dit qu’il n’est pas un des moins forts de
notre milice poétique ; j’entends parler de la
forme. Il y a chez M. Rodenbach une simpli-
cité innée de facture un peu lourde que relève
heureusement une pensée toujours tendre, ou
profonde, ou mélancolique, ou humanitaire.
Cette pesanteur originelle disparaît quand le
sujet prend de la gravité. Alors son vers de-
vient plein, sonore et majestueux. Qu’on en
juge par ceux-ci extraits des Moines de Ma-
redsous :

Sombres moines ! perdus au fond d’un monastère,
Inclinés devant Dieu comme des encensoirs.

En faisant votre temps douloureux sur la terre
Vous portez votre deuil dans vos longs manteaux noirs.

Pareils à ces lions à la fauve crinière
Offerts dans une cage aux mépris des passants,

Vous allez et venez sous ces voûtes de pierre
Qui frémissent au bruit de vos pas languissants.

Vous vivez, unissant vos clameurs suppliantes
Aux crimes de la terre, ainsi que les roseaux
Qui mêlent leurs murmures et leurs tiges pliantes
Aux fanges qu’un grand fleuve entraîne dans ses eaux.

Là où notre peintre veut traiter la na-
ture avec un pinceau léger et des couleurs
transparentes, le vers est un peu massif,mais,
on sent, à ne point s’y tromper, que c’est une
imperfection momentanée et non une im-
puissance innée. C’est ce qu’on peut ap-
peler un état de jeunesse que chaque jour
modifie.

La vraie force de notre auteur est dans cet
heureux détail qu’il a toujours une idée à son
service et qu’il fait son œuvre quand cette
idée est définitivement acquise à l’inspiration.
Il y en a tant qui font d’abord des vers et
puis qui y collent une étiquette ou un titre.
M. Rodenbach lui est sérieux; il y a en lui
des principes classiques qui lui font une sorte
de tremplin protecteur. Quand il aura perdu
hélas ! ce duvet de jeunesse qui est l’es-
tampille de sa poésie, il sera tout étonné lui-
même de se sentir une vaillance nouvelle en
face d’un horizon nouveau. Si j’augure bien
des tendances qu'il embrassera, il fera de la
poésie humanitaire, ses vers seront des plai-
doyers en faveur des grandes causes et il aura
des coups de fouet pour les hontes du siècle.
En attendant, qu’il soit le bienvenu parmi
nous, et qu’il se garde de tendre trop l’oreille
aux éloges de ceux dont la complaisance est
le cadeau le plus fatal qu’on puisse faire aux
poètes. (A suivre).

LE

PEINTRE GRAVEUR

Hollandais-Belge.

AU XIXe SIÈCLE.

par Hifpert et Linnig (Seconde partie).

La seconde livraison du Peintre-graveur
hollandais et belge au XIXesiècle, par Hippert
et Linnig, vient de paraître chez Olivier, à
Bruxelles. Elle va de Flameng à Legros.
L’œuvre de Flameng (Léopold) tient dans
l’ouvrage, 210 numéros, sans compter, bien
entendu, les nombreuses planches de cet
auteur disséminées dans beaucoup de publi-
cations; François,2S pièces; Gaal,Sl pièces;
Gallait, b pièces (on a omis d’indiquer que
la Guerre a été faite pour V.Album du Journal
des Beaux-Arts de 1872); Geets, 16 pièces
(Méphisto et dame Marthe ont été également
faits pour ['Album de notre journal ainsi que
la Promenade du même auteur non men-
tionnée); Storm de Gravesande, 82 pièces".
De Groux, 7 pièces (La Séparation a été
faite spécialement en 1869, pour notre
album de 1870. Il résulte de notre corres-
pondance avec De Groux que cette planche
telle qu’elle a été publiée par nous est entiè-
 
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