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N° 11.

15 Juin 1878.

Vingtième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR : M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE :

MEMBRE DE l’aCADÉMIE ROY. DE BELGIQUE, ETC. PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS. RUE MARIE-THÉRÈSE, 22, LOUVAIN.

ÉTRANGER : 12 FR. _

SOMMAIRE. Belgique : Découverte du nom des
sculpteurs des stalles à Ste-Gertrude de Louvain.
— Notice sur un tableau etc. — L’architecture
néerlandaise au xvne siècle. — Lettre sur Luc
Gassel. — Une demande à propos du Jugement
dernier de Baume. — France : L’exposition
universelle. — Chronique générale. — Diction-
naire des peintres. — Annonces.

Belgique.

STALLES DE Ste-GERTRUDE A LOUVAIN.

DÉCOUVERTE

DU NOM DES SCULPTEURS.

Nous trouvons dans la Gazette de Louvain
l’intéressante communication suivante de
M. A. Everaerts au sujet des auteurs des stalles
de l’église de Ste-Gertrude à Louvain. Jus-
qu’à présent on n’avait aucune certitude à cet
égard et les noms produits jusqu’ici pouvaient
tout aussi bien se rapporter soit à la menuise-
rie de ces stalles, soit à la partie purement
décorative, soit enfin à la partie vraiment ar-
tistique de cette grande entreprise. La décou-
verte de M. Adolphe Everaerts nous semble
concluante et coupe court à tout. On sait en
cllet que plus d’un ancien statuaire a signé
son œuvre de sa propre effigie sculptée. Les
stalles de Ste-Gertrude nous en offrent aujour-
d’hui un nouvel et curieux exemple. Déjà,
en 1864, le savant archiviste de Louvain,
M. Van Even,avait cru trouver dans un docu-
ment du xvie siècle le nom de l’auteur des
stalles, soit un nommé Mathieu de Waydere,
qui paraît n’avoir été que l’agent responsable
ou l’entrepreneur de certains travaux à l’église
de Ste Gertrude, ou peut-être le collaborateur
des ornemanistes ou des statuaires mais nulle-
ment l’auteur des stalles. C’est ce qui ressort
de l’examen du document interprété comme
il doit l’être.

Du reste, la présence dans un coin perdu
de ces deux statuettes, représentant des per-
sonnages laïcs, vêtus de costumes de travail-
leurs, tenant en main, outre un des instru-
ments de leur métier, un pot parfaitement
caractérisé et rappelant très-bien la forme des
cruches ou cannettes d’étain de cette époque,
nous paraît un document assez probant pour
que l’on soit absolument et complètement
édifié. Les frères Le Pot, du reste, étaient
connus mais jusqu’ici on ne pouvait citer
aucune de leurs œuvre*.

Il y a lieu de remarquer que ces denx sta-
tuettes dont l’une est mutilée de la main qui
sans doute tenait aussi un pot, sont d’une al-
lure très-artistique et d’une exécution remar-
quablement facile. Celle qui fait face au public
est particulièrement d’une facture et d’une
élégance charmantes. Nous n’hésitons pas,
quant à nous,à déclarer que comme travail, il
y a dans les groupes religieux de ces stalles
des imperfections nombreuses. Presque par-
tout Je dessin est lourd et incorrect, les extré-
mités sont exagérées, les poses outrées et les
physionomies d’une trivialité quelquefois re-
poussante. On y sent des réminiscences du
gothique médiocre, et pourtant la période de
1800 à 1560 fut une des plus belles dans notre
pays pour l’art de la statuaire ornementale.
De loin en loin on constate cependant des
groupes d'un travail plus soigné et d’une com-
position plus élégante; ce qui semblerait dé-
montrer que plusieurs, ou tout moins deux
statuaires, ont été employés à ce travail.Beau-
coup de petites figurines encastrées dans
l’ornementation des parties inférieures sont
infiniment mieux sculptées que les groupes
les plus en vue. Nous engageons beaucoup les
curieux à se livrer à cette comparaison. Us
pourront aussi remarquer, comme contraste,
l’étonnante souplesse des innombrables orne-
ments dont les stalles sont revêtues et l’admi-
rable précision avec laquelle le compas et le
ciseau ont fait leur office. Les sculptures reli-
gieuses des frères Le Pot (1), quel que puisse
être leur mérite, n’ont point cette perfection
relative, ni cet effet imprévu et, de fait, elles
n’occupent point le premier rang dans l’en-
semble de l’œuvre. Quoiqu'il en soit, ce
nom, que l’histoire avait déjà sauvé, se trouve
maintenant accompagné d’une œuvre authen-
tique, grâce au signataire de !a lettre suivante,
M. Adolphe Everaerts, qui voudra bien recevoir
ici l’expression de la reconnaissance des amis
de l’art national.

Ad. S.

(1) Est-il vrai que dans les archives de l’église
de Ste-Gertrude on ait rencontré des noms dont la
forme rappellerait celle qui nous occupe : Potman,
Potmans, Pintemans? Ce renseignement, que je
donne pour ce qu’il vaut, m’a été fourni dans une
conversation avec un des employés de l’église.

» Louvain, le 5 juin 1878.

» MM. les Bourgmestre et Echevins de Louvain.

« Messieurs,

» Ayant minutieusement examiné et classé les
496 figures qui ornent les stalles de Ste-Gertrude,
j’ai constaté qu’elles sont toutes tirées de l’histoire
sacrée, à l'exception de doux qui ne s’y rapportent
ni par la forme, ni par le caractère, ni par les
accessoires. Ce contraste me frappa et me fit penser
qu’il n’avait pas été fait sans motif.

» Ces deux statuettes, placées sur des colonnettes
aux angles de la première jouée terminale de gauche,
représentent deux hommes qui se ressemblent,
paraissant âgés d’une quarantaine d’années, sont
barbus, ont le tablier d’artisan, portent culotte, bas,
souliers et chapeau forme calotte, tiennent d’une
main des outils et de l’autre un Pot.

»» Ces indices m’ont inspiré les conjectures sui-
vantes : par leur ressemblance ils sont frères, leur
costume est du commencement du 16e siècle; le
compas, les ciseaux et le tablier indiquent qu’ils
sont sculpteurs, le Pot est une armoirieparlante,
c’est-à-dire allusive à leur nom ; enfin ils se sont
représentés eux-mêmes comme ils ont représenté,
dans le panneau de la Résurrection du Christ,
Pierre Was, abbé de Ste-Gertrude, de 1527 à 1553,
qui a fait exécuter ces boiseries.

» Toutes ces conjectures étaient exactes, et il est
étonnant qu’on ait attendu 340 ans pour les expli-
quer.

» Mes recherches m’ont donné la certitude que
ces statuettes représentent réellement les auteurs
de nos stalles et ne sont autres que les frères :
Jean et Nicolas LEPOT.

» Jean et Nicolas Lepot, né* en Flandre à la
fin du 15® siècle, étaient sculpteurs et peintres sur
verre. Ils s’établirent à Beauvais (France), où ils
firent quantité de travaux. Jean, qui excellait à
peindre en camaieux, y mourut en 1563.

» Nicolas brillait vers lo40.

» Leur monogramme était un pot. Voilà d’après
Nagler, les premières données biographiques que
j’espère pouvoir compléter sous peu.

x Cette heureuse découverte qui restitue à ses
auteurs la gloire d’avoir doté l’abbaye de Ste-Ger-
trude d’un chef-d’œuvre dont nous sommes fiers, ma
semble assez importante pour m’engager à vous en
donner connaissance, et comme il s’agit d’un
monument public, je vous prie. Messieurs, de
vouloir communiquer la présente à Messieurs les
Membres du Conseil communal, lesquels, je n’en
doute pas, accueilleront avec plaisir une découverte
si intéressante pour tous ceux qui ont à cœur
l’histoire artistique de notre ville.

x Agréez, Messieurs, l’assurance de ma parfaite
considération. Adolphe EVERAERTS. »
 
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