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N* 10.

31 Mai 1878.

Vingtième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE,

DIRECTEUR : M. Ad. SIRET.

MEMBRE DE L’ACADÉMIE ROY. DE BELGIQUE, ETC.

SOMMAIRE. Belgique : Nouveaux documents sur
la famille Rubens. — Une lettre à M. Hymans.
— L’architecture néerlandaise au xvue siècle. —
Les grandes publications modernes : Histoire
générale de la tapisserie. — La photogénéagra-
phie. — Pensées et maximes. - France : Corr.
part. : Exposition universelle. — Chronique
générale.—Dictionnaire des peintres.—Annonces.

NOUVEAUX DOCUMENTS
SUR LA FAMILLE RUBENS.

Anvers, le 22 mai 1878.

Mon cher Directeur,

La publication de mon ouvrage sur Rubens
m’a procuré l’avantage d'entrer en relations
avec M. Goupy de Quabecq, de Malines, dont
la femme, née comtesse van der Fosse, des-
cend, en ligne directe, du grand peintre.
M. Goupy de Quabecq m’a permis, ainsi qu’à
l’honorable président des Bibliophiles anver-
sois, M. le chevalier Gustave van Havre,
également un des descendants de Rubens,
d'examiner les nombreuses archives de sa
famille et j’ai déjà réussi à découvrir plusieurs
actes intéressants concernant la biographie du
maître célèbre dont nous avons tout récemment
célébré la fêle trois fois séculaire. Aujourd’hui
j’ai mis la main sur un document important et
je m’empresse de vous faire part de ma trou-
vaille; il s’agit d’une lettre de Philippe de
Marnix adressée à Jean Rubens, le père du
grand peintre, et datée de St-Gertruidenberg,
le 18 mai 1577.

Jusqu’ici on n’avait aucune preuve directe
des relations du père de Rubens avec l’auteur
du Byenkorf, le conseiller intime du prince
d’Orange. Dans la lettre que nous venons de
découvrir, Marnix écrit à Jean Rubens : « Je
» désireroye de tout mon cueur vous pouvoir
» monstrer combien j’estime nostre ancienne
» amitié et les vertus que fay remarquées en
» vous lorsque vostre malheur ne nous empes-
» choit plus familière communication. » La
preuve de ces relations donne déjà un grand
intérêt à l’épitre en question, mais elle acquiert
une importance majeure lorsqu’on la met en
rapport avec la question si longtemps contro-
versée du lieu de naissance de Pierre Paul
Rubens; elle est décisive pour ceux qui, à mon
avis, ont soutenu victorieusement les droits de
la ville d’Anvers. En effet, on sait que Jean
Rubens emprisonné d’abord à Dillenbourg,
interné plus tard à Siegcn, à la suite de sa
liaison avec Anne de Saxe, la femme du Taci-
turne, avait fait en 1577 de vains efforts pour
obtenir du comte Jean de Nassau, le frère du

R rince Guillaume, une commutation de peine.

e pouvant se rendre à Anvers où l’appe-
laient non-seulement les bénéfices de ledit
de Marche-en-Famenne, mais encore la suc-
cession ouverte de son beau-père Jean de
Lantmeter, il avait obtenu l’autorisation de

PARAISSANT DEUX FOIS PAR MOIS.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS.

ÉTRANGER : 12 FR.

passer quelques jours à Cologne pour faire
rédiger et signer le fameux acte de délégation
du 26 avril 1577, si singulièrement interprété,
et dans lequel figurent 1° Marie Pypelincx,
femme de Jean Rubens. 2° Henri Pypelincx
et Claire du Touion, parents de Marie. 5° Denis
Pypelincx, son oncle, et 4° Philippe de Lant-
meter, le frère utérin de Jean Rubens.

Muni de ce document Marie Pypelincx vint
à Anvers en descendant, comme nous l’avons
dit dans notre ouvrage sur Rubens, le Rhin et
la Meuse et en s’arrêtant à St-Geertruidenberg
où, à cette époque, se trouvait le prince
d’Orange avec qui elle eut cette entrevue ines-
pérée dont elle parle dans sa lettre du 14 juin
suivant.

« Depuis la date de la procuration donnée
« par Jean Rubens à sa femme le 26 avril jus-
» qu’à celle de la lettre écrite par elle au
» comte Jean le 14 juin, » dit M. B. Dumortier,
dans ses nouvelles recherches sur le lieu de
naissance de P. P. Rubens, « le prince d’O-
» range n’a pas quitté un seul instant le pays
» des bouches de l'Escaut et de la Meuse.
» Aussi ce n’est pas à Cologne ou dans le
» pays de Nassau que la mère de P. P. Rubens
» a trouvé le moyen inespéré de demander au
» prince d’Orange de faire participer son mari
» au pardon général ; c’est dans une ville quel-
» conque des bouches de l’Escaut et de la
» Meuse qu’elle a eu cette entrevue. Voilà
» donc la preuve évidente, incontestable, que
» la procuration donnée par Jean Rubens
» à sa femme pour aller en Belgique appréhen-
» der et saisir les biens qui venaient de lui
» être rendus à Anvers et dans les environs, a
» été suivie d’effet et que Marie Pypelincx est
» venue en Belgique dans le cours du mois
» de mai 1577 (I). »

Ce qui n’était qu’une supposition parfaite-
ment établie, devient une vérité incontestable
par la découverte de la lettre de M. Goupy de
Quabeck. Suivant les Actes des Etats généraux
publiés par le savant archiviste général du
royaume, M. Gachard (T. I, p. 174 et 176),
le prince d’Orange était à Harlem le 7 et à
St-Geertruidenberg le 17 mai. Or c’est préci-
sément à cette dernière date, que nous voyons
Philippe de Lantmeter, le frère utérin de Jean
Rubens, présenter à Marnix la requête du
prisonnier de Jean de Nassau, tendante à pou-
voir séjourner dans un endroit autre que
Siegcn. On le verra plus loin, Marnix ne trou-
va pas le moment opportun pour satisfaire aux
désirs de Rubens, et c’est, sans doute, à la
suite de ce refus que Marie Pypelincx, par
un suprême effort, digne de sa grande âme,
trouva le moyen inespéré de voir le prince
d’Orange. Comme Marnix l’avait prédit, le
Taciturne « rejetta » l’examen de l’affaire « sur
son frère sans s'en vouloir mesler. »

(l) P. 37.

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE :

RUE MARIE-THÉRÈSE, 22, LOUVAIN.

Marie Pypelincx, désolée de cet échec, con-
tinua donc sa route vers sa ville natale, et c’est
à Anvers que la femme héroïque de l’infidèle
Jean Rubens donna, vers la fin du mois de Mai,
naissance au chef de l’école flamande. « He nacido
y vivo en Ambekes » écrivait P. P. Rubens,
dans une lettre découverte, il y a quelques
années, chez un membre de la famille de Ve-
lasco par notre concitoyen M. J. Kessels, tra-
ducteur juré au tribunal de première instance
à Anvers, lettre que, grâce [aux sollicitations
du Gouvernement belge et de l’Administration
communale d’Anvers, nous espérons voir reti-
rer de la saisie dont l’a frappéele Gouvernement
espagnol. — Peetro-Paulo Rubbens, poorter
ende ingeselenen cleser stadt, disait le notaire
dans un document officiel publié il y a un
an, par M. F. Jos. van deu Branden et qui, à
lui seul, suffirait à établir les droits d’Anvers,
Rubens n’ayant jamais été admis à la bour-
geoisie, et devant, par conséquent, être poorter
de naissance.

Mais voici la lettre trouvée dans les archives
de M. Goupy de Quabeck. Le document n’in-
dique pas le lieu de destination, preuve qu’il
doit avoir été confié à Philippe de Lantmeter
lui-même,pour être transmis ensuite au desti-
nataire ; il porte, à l’extérieur, l’adresse sui-
vante :

A Monsieur
Monsr. de Rubens.

Monsieur Rubens,

Vostre frère m’a hier livré vostre lettre du
16 d’avril insistante pour avoir favorable ap-
poinctement sur vostre requeste, laquelle je
n’ay encor exhibée à Son Excellence, attendant
quelque opportunité meilleure, comme j’en ay
parlé à vostre dict frère. Et de fait je vous
conseilleroye avoir encor un peu de patience.
Puis mesrne qu’à mon jugement, en ce tamps
qui court malaiséement, pourriez vous estre en
lieu où vous fussiés, ou plus à requoy quant à
vous, ou avec moindre bruit et offension des
parties interressées. D’autre costé traînants les
affaires du pays en la sorte comme elles font,
je ne say que c’est (]ue Son Excellence en
pounoit ordonner, ayant mesmement regard à
Madame, laquelle vous pouvés estimer trou-
veroit tout changement estrange, de façon que
je n’en ay encor rien touché pour ne l’avoir
trouvé convenir, combien que je me persuade
assez que Son Excellence le rejettera sur son
frère sans s’en vouloir mesler. De ma part je
vous asseure que je désireroye de tout mon
cueur vous pouvoir monstier combien j’estime
nostre ancienne amitié et les vertus que j’ay
remarquées en vous lorsque vostre malheur
ne nous empeschoit plus familière communica-
tion, mais je vous pjie me croire que si vous
estiés mon frère, je ne vous sauroye autrement
conseiller que de temporiser encore quelque
peu, en attendant que le tamps ameine quel-
 
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