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N® 12.

30 Juin 1878.

Vingtième Année.

JOURNAL

ET

DES BEAUX-ARTS

DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE :

MEMBRE DE l’académie ROY. DE BELGIQUE, ETC. PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS. RUE MARIE-THÉRÈSE, 22, LOUVAIN.

ÉTRANGER : 12 FR.

SOMMAIRE. Belgique : M. Loise et M. Van
Bemmel. — Les stalles de Sainte-Gertrude. —
Bibliographie : Histoire de l’école d’Anvers. —
Léon Jouret.—France : L’exposition universelle.
Chronique. — Dictionnaire des peintres. —
Annonces.

Belgique.

Nous distribuons avec le présent numéro
une charmante mélodie inédite de Léon Jouret:
Le Credo des arbres.

Nous espérons pouvoir faire connaître dans
notre prochain numéro le jugement du jury
sur notre concours de gravure pour 1878.

M. LOISE ET M. VAN BEMMEL.

La poésie est le baromètre de la civilisa-
tion. Quand le barde chante, le peuple pros-
père ; quand le barde gémit, le peuple ago-
nise; quand le barde se tait, le peuple est
mort.

Etant donnée cette influence de la poésie
sur la civilisation et de la civilisation sur la
poésie, il s’agissait d’en faire l’histoire. Il
s’agissait de montrer les développements suc-
cessifs de la littérature s’élevant de l'état
simple aux conceptions les plus compliquées,
élargissant peu à-peu ses cercles d’action qui
finissent par devenir des horizons, et de met-
tre en regard de ce progrès dans l’art, la civi-
lisation dissipant les nuages qui pèsent sur
les sociétés à l’état d’enfance et leur fai-
sant lire jusqu’à la dernière page du livre des
cieux. M. Ferdinand Loise a entrepris ce
travail, non pas pour tel peuple donné mais
pour tous les peuples. Il a passé en revue
déjà les littératures grecque, latine, espa-
gnole, française et allemande ; il vient de
publier son volume sur l’Allemagne moderne.
L’Académie royale de Belgique a couronné
sa première œuvre ; l’Académie d’Espagne a
reçu l’auteur au nombre de ses membres ; la
presse étrangère s’est montrée unanime dans
ses éloges.

Ces détails sont connus peut-être de
nos lecteurs, car le Journal des Beaux-
Arts ne s’est pas fait faute de saluer avec
enthousiasme les livres qui ont à l’étranger
placé si haut le nom de M. Loise. Ils verront
plus loin pourquoi il importe d’y insister.

A ce propos, faisons une observation sur
un fait qui nous a frappé souvent :

Nous débutons dans la voie littéraire; tous
les jours nous entendons nos ainés appeler
de leurs vœux les plus ardents une littéra-
ture nationale, et lorsque parmi eux une tête
s’élève un peu au-dessus des autres, elle de-
vient le point de mire des plus mesquines
jalousies.

On veut une littérature. Elle nait. On la tue.
Quel exemple pour la jeunesse !

Revenons à l’œuvre ; elle est loin d’être
achevée. Nous attendons le reste et spéciale-
ment les études sur la littérature néerlan-
daise, littérature puissante et colorée à la-
quelle l’auteur consacrera un volume spécial.

Le nouveau livre de M. Loise s’ouvre par
l’examen de la littérature allemande au 17e siè-
cle. Il aborde ensuite le 18e siècle et termine
par l’étude de Klopstock et de Lessing.

C’est avec une largeur d’idée véritable que
M. Loise pénètre dans son sujet; il possède
la qualité indispensable au genre de travaux
qu’il a entrepris : l’esprit de synthèse. Ecou-
tez ces dix lignes d’introduction à l’examen
des poésies de Gryphius :

« L’inspiration individuelle appartient à
» tous les temps. Je me trompe, elle n’appar-
» tient pas au temps : elle appartient à l’âme,

» c’est un de. ses mystères ; elle appartient à
n la vie, c’est un de ses secrets ; elle appartient
» Dieu, c’est un de ses dons. Mais toute
» grande création d’art exige qu’à l’inspira-
» tion individuelle s’associe l’inspiration col-
» lective qui sort des entrailles même du
» temps. La France du 17e siècle, assise sur
» ses trophées était faite pour contempler les
» grands spectacles. Sur les pas de ses héros,

» l’art ouvrait à ses poètes les majestueux
» portiques de la tragédie ; l’Allemagne vain-
» eue et cicatrisant ses blessures ne pouvait
» inspirer à ses enfants que la poésie qui sort
» des ruines : le deuil et la prière. »

Avant d’erf venir à M. Van Bemmel rele-
vons en passant l’opinion d’un nouveau jour-
nal belge que son caractère sérieux recom-
mande aux lettrés : L'athœneum Belge pense
que le livre vaudrait mieux si l’auteur s était
abstenu de considérations personnelles sur
les événements et sur les opinions. Cela est
vrai quand on se met au point de vue pure-
ment didactique ; mais ce n’est pas le cas ici ;
il y a une philosophie de l’art comme il y a

une philosophie de l’histoire, et c’est préci-
sément cette philosophie que font ressortir
les réflexions personnelles de l’écrivain.

M. Loise aime et salue le progrès, il est
enfant de son siècle, il s’incline devant ce
qu’il a de grand mais il ne l’encense pas et il
sait lui dire quelles sont ses erreurs et ses
taches ;

« O dix-neuvième siècle, siècle de l’indus-
» trie et de la politique, siècle des arts qui
b parlent aux yeux et à l’oreille et qui t’intu-
» tules fastueusement le siècle des lumières
» quand l’aveugle science cherche à effacer
» Dieu du front du soleil, tu as eu tes gran-
» deurs mais tu ne te couches pas dans ta
» gloire, car ton éclat n’est que ténèbres de-
» vant les immortelles splendeurs de l’art
» souverain, qui élève l’esprit aux vérités
n éternelles. Eloignons-nous d’un temps sans
» poésie et remontons à Klopstock. »

Cet aperçu suffit, pensons-nous, pour per-
mettre de juger et de l’ensemble de l’œuvre
et du style qui la colore.

Nous avons vu ce qu’en pensent l’Acadé-
mie royale de Belgique, l’Académie d’Es-
pagne, la presse française, espagnole et alle-
mande. Voyons ce qu’en pense M. E. Van
Bemmel (1).

Et d’abord, une remarque générale sur son
jugement; nous viendrons surlesde'tails tout
à l’heure.

Il nous semble qu’un critique se trouvant
en présence d’un travail sérieux doit être sé-
rieux lui-même. M. Van Bemmel affecte
visiblement de traiter M. Loise avec un dé-
dain superbe et médité comme s’il se trou-
vait en présence du premier venu des collé-
giens ; il le juge de haut; c’est peut-être pour
cela qu’il n’a pas vu clair. Il est bon de se
mettre au-dessus des choses pour les distin-
guer mieux dans leur ensemble, mais quand
on s’élève trop, la confusion naît et l’on se
trompe. C’est ce qui est arrivé.

Après avoir parlé d’un ouvrage que l’auteur
tient en haute estime, il continue ainsi :

« Nons n’avons malheureusement pas le
» même éloge à faire du nouveau volume de
» M. Loise qui ne marque aucun progrès
» sur les précédents. »

Admettons un moment que M. Van Bem-
mel ait le droit de parler ainsi à M. Loise ;

(1) Voir Revue de Belgique, livr. de mai de 1878.
 
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